Feb 28, 2020 — peines réprimant le faux témoignage, dénommé par l’article 434-13 du L’omission de faire prêter serment à un témoin dont la déposition a

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Commentaire Décision n° 2019 -828/829 QPC du 28 février 2020 M. Raphaël S . et autre (Déposition sans prestation de serment pour le conjoint de l ™accusé ) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 décembre 2019 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts n os 2954 et 2953 du 11 décembre 2019) de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées respectivement par M. Raphaël S. et M. Mohamed R . relatives à la conformité aux d roits et libertés que la Constitution garantit , pour la première, de l ™article 335 du code de procédure pénale (CPP) , pour la seconde, de ce même article et de l™article 331 du même code. Dans sa décision n° 2019 -828/829 QPC du 28 février 2020 , le Conseil constitutionnel a déclaré con traire s à la Constitution les mots « Du mari ou de la femme » figurant au 5° de l ™article 335 du code de procédure pénal e, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011 -939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs . I. Œ Les dispositions contestées A. Œ Présentation 1. Œ L™objet des dispositions a. Œ L™obligation de prêter serment (article 331 du CPP) Lors d ™un procès pénal, une fois les débats ouverts, débute l ™instruction définitive 1 de l ™affaire. Au cours de cette instruction, après l ™interrogatoire de l ™accusé vient la phase d ™audition des témoins, appelés à déposer devant la juridiction. L™article 331 du CPP est relatif au déroulement de ces dépositions devant la cour d™assises . Il prévoit notamment que l ™audition commence par un interrogatoire d™identité qui permet à la juridiction de connaître les liens éventuels unissant le 1 Ce caractère « définitif » vise à la distinguer de l ™instruction préparatoire qui a été conduite, avant le procès, par le juge d ™instruction.

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2 témoin avec l ™une des parties au procès. Avant de déposer, les témoins doivent prêter serment « de parler sans haine et sans crainte, de dire tout e la vérité, rien que la vérité ». Cette obligation de prêter serment n ™est pas que symbolique. Comme le rappelle Henri Angevin, « En prêtant serment de dir e la vérité, le témoin prend en effet un engagement solennel qui distingue son témoignage de la simple déclaration ne valant que renseignement . Cet engagement solennel est en outre pénalement sanctionné : le témoin, s ™il ne le rétracte pas avant la clôture des débats, encourt les peines réprimant le faux témoignage, dénommé par l ™article 434 -13 du Code pénal “témoignage mensonger” , puni de cinq ans d ™emprisonnement et 75 000 euros d™amende »2. La prestation de serment est une formalité essentielle de la dé position du témoin. L™omission de faire prêter serment à un témoin dont la déposition a été recueillie par la cour est sanctionnée par la nullité des débats et la cassation de l ™arrêt de condamnation qui a suivi 3. Le témoin qui refuse de comparaître, de prêter serment ou de déposer peut, sur réquisitions du ministère public, être condamné par la cour à une amende de 3 750 euros (article 326 du CPP). Certains témoins, énumérés à l ™article 335 du CPP, sont toutefois dispensés d e prêter serment . L™interroga toire d ™identité permet d™ailleurs au président de la cour de déterminer quels témoins sont susceptibles de déposer sans prêter serment. L™accusé, quant à lui, qui ne peut être entendu comme témoin, n ™est bien sûr pas soumis à cette obligation de prêter s erment. b. Œ Les témoins dont il est exclu qu ™ils prêtent serment (article 335 du CPP) * Les catégories de personnes déposant sans prêter serment 2 Henri Angevin, entrée « Cour d ™assises Œ Débats. Œ Production et discussion des preuves. Œ Audition des témoins », Jurisclasseur Procédure pénale , fasc. 30, § 165. 3 Cass. crim., 19 février 1841, n° 48 ; Cass. crim., 21 juin 1995, n°94 -85.194 ; Cass. crim. plén., 11 juin 2004, n° 98-82.323.

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3 L™article 335 énumère plusieurs catégories de personnes dont les dépositions ne peuvent être reçues sous la foi du serment 4. Les intéressés sont désignés comme des témoins « reprochables »5. Sont visés à ce titre certains membres de la famille de l ™accusé ou de l ™un des accusés présents et soumis au même débat : 1° Ses ascendants ( père, mère , grands -parents etc. ) ; 2° Ses descendants (fils, fille, petits -enfants etc. ) ; 3° Ses frères et sœurs. Cette catégorie englobe les demi -frères et demi -sœurs 6 ; 4° Les alliés aux mêmes degrés . L™alliance est « le lien que le mariage établit entre l™un des époux et les parents de l ™autre »7. Sont ainsi couverts par la prohibition les ascendants, les descendants et les frères et sœurs du conjoint de l ™accusé 8. Sont également couverts les conjoints des ascendants, descendants et frères et sœurs de l™accusé 9. En revanche, les alliés du conjoint ne sont pas inclus dans la liste 10. Par exemple, le beau -frère de l ™accusé, au sens du frère de sa femme, est inclus dans la liste, alors qu ™il ne l ™est pas au sens du mari de la sœur de sa femme 11 ; 5° Le mari ou la femme . Cette proh ibition subsiste , par exception, même après le divorce . En revanche, le divorce éteint le lien d ™alliance : les anciens beaux -parents doivent donc prêter serment 12. 4 S™ajoute à ces derniers les témoins incapables de témoigner en raison d ™une condamnation. En effet, l ™article 131 -26 du code pénal prévoit expressément que la peine d ™interdiction des droits civiques, civils et de famille porte notamment sur le « droit de témoigner en justice autrement que pour y faire de simples déclarations ». 5 L™expression est toutefois datée, puisqu ™elle désignait à l ™origine des témoins dont on pouvait récuser la déposition, ce qui n ™est plus possible aujourd ™hui. 6 Cass. crim., 30 m ars 1977, n° 77-90.460. 7 Cass. crim., 18 décembre 1968, n° 68-91.105 ; pour une application au neveu de l ™accusé, voir Cass. crim., 30 juin 1993, n° 93-80.497. 8 Pour une application au fils d ™une femme mariée en secondes noces avec l ™accusé, voir Cass. c rim., 18 décembre 1968, n° 68-91.105, précité ; au frère de l ™épouse de l ™accusé, voir Cass. crim., 14 octobre 1992, n° 91-86.985. 9 Pour une application au mari de la mère et l ™épouse du père de l ™accusé, voir Cass. crim., 8 mars 2000, n° 98-87.476 ; au g endre de l ™accusé, voir Cass. crim., 5 décembre 1990, n° 90-81.209 ; au mari de la sœur de l ™accusé, voir Cass. crim., 13 septembre 2000, n° 99-86.019. 10 Pour une application à la femme du frère de la femme de l ™accusé , voir Cass. cim., 21 décembre 1972, n ° 72-92.529 ; à l™épouse du frère du mari de l ™accusée, voir Cass. crim., 28 avril 1978, n° 77-92.994. 11 Cass. crim., 28 avril 1978, n° 77-92.994. 12 Cass. crim., 29 mars 2006, n° 05-86.275 .

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4 Par ailleurs, trois autres catégories de personnes qui sont sans lien avec l ™accusé déposent sans prêter serment : 6° La partie civile ; 7° Les enfants au -dessous de l ™âge de seize ans ; 8° Toute personne qui a été accusée, prévenue ou condamnée soit pour le crime dont est saisie la cour d ™assises en qualité de coauteur ou de c omplice, soit pour un crime ou un délit connexe ou formant un ensemble indivisible avec le crime dont est saisie la cour d ™assises. La C our de cassation a affirmé que c es dérogations ne peuvent être étendues au -delà des cas fixés par l e texte . Elle a ains i refusé que l ™exclusion de l ™obligation de prêter serment soit étendue à la concubine de l ™accusé , « même si les liens qui l ™unissent à [l™accusé] présentent un certain caractère de stabilité »13, la personne liée à l ™accusé par un pacte civil de solidarit é14 ou un mariage religieux 15. Elle a jugé de même pour les oncles et tantes, neveux et nièces, cousins et cousines de l ™accusé 16. En revanche, la chambre criminelle en a fait application à la seconde épouse du conjoint bigame, ce second mariage n ™étant pas c ontesté 17. La nature du lien justifiant cette dérogation doit être précisé e dans le procès -verbal des débats, de façon à permettre le co ntrôle de la Cour de cassation 18. * Les conséquences attachées aux dépositions effectuées sans prêter serment On distingue parfois les témoignages, au sens strict, des simples renseignements fournis par les personnes qui déposent. Pour Roger Merle et André Vitu, « Au sens étroit du terme, le témoin est seulement celui qui est entendu sous la foi du serment. En pra tique, cependant, la police et la justice reçoivent les dépositions de nombreuses personnes qui ne prêtent pas serment et qui, pour cette raison, sont entendues “à titre de renseignements” . [–] Dans ce sens étroit du terme, seules sont alors de vrais témoi ns, entendus sur la foi du serment, les personnes qui déposent au cours de l ™instruction préparatoire ou devant une juridiction de jugement et ne sont 13 Cass. crim., 26 janvier 1994, n° 93-81.978 ; Cass. crim., 18 déc embre 1996, n° 96-82.451 . 14 Cass. c rim., 25 mai 2011, n° 10-86.229 . 15 Cass. c rim., 16 décembre 2015, n° 14-87.234 . 16 Pour un refus d ™application à l ™oncle et au cousin de l ™accusé, voir Cass. crim., 1 er décembre 1999, n° 99-83.464. 17 Cass. crim., 14 janv. 1998, n° 97-80.258 . 18 Cass. c rim. 21 juin 1995, n° 94-85.194 .

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5 frappé es par la loi d ™aucune exclusion »19. Cependant, les mêmes auteurs relèvent que, en pratique, « on emploie aussi le mot témoignage pour désigner les renseignements fournis sans prestation de serment, qu ™elle qu ™en soit la raison. L™explication vient de ce que, pour la formation de la conviction du juge moderne, la distinction entre le renseignement et le témoignage n ™a plus un intérêt fondamental : le tribunal peut en effet toujours se décider sur de simples renseignements et conférer à ceux -ci une valeur probante supérieure aux dépositions faites sous serment »20. La déposition effectuée sans serment n ™a donc, juridiquement, pas une valeur moindre que celle effectuée sous la foi du serment : il dépend de la seule juridiction de décider de la portée qu ™elle lui donnera dans la formation de sa conviction. Pour Dominique Coujard, « à vrai dire, les jurys ne font aucune différence quant à la portée décisive d ™un témoignage reçu sous serment ou à titre de simple renseignement. Notons par ailleurs que la déposition de la partie civile, qui n ™est pas un témoin au sens juridique du terme, a, le plus souvent, la f orce du témoignage »21. En revanche, contrairement à celles qui ont déposé sous serment, les personnes qui ont déposé sans prêter serment ne peuvent être poursuivies pour faux témoignage 22. Par ailleurs, et contrairement là aussi à ce qui est prévu pour le défaut de prestation de serment, le fait qu ™une personne qui ne devait pas prêter serment l ™ait quand même fait n ™emporte pas nullité de la procédure lorsque ni le ministère public ni aucune des parties ne s ™y sont opposé s (article 336 du CPP). En cas d ™opposition de leur part, le témoin peut malgré tout être entendu à titre de renseignements, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président. c. Œ Les justifications et contestations doctrinales des cas d ™exclusion de prestation de serment La prohibition des dépositions sous serment des proches de l ™accusé est ancienne. Faustin Hélie indique ainsi que « cette cause d ™exclusion avait été consacrée par la loi Julia publicorum judiciorum [dont rend compte le Digeste] ; qu ™elle avait été développée dans la pro cédure inquisitoriale et appliquée par l ™article 153 de l™ordonnance d ™août 1539 et par le titre XV de l ™ordonnance de 1670 »23. 19 Roger Merle, André Vitu, Traité de droit criminel , Cujas, 2001, § 172, pp. 215 -216. 20 Ibid ., p. 216. 21 Dominique Coujard, « L™audition des témoins devant la cour d ™assis es », AJ Pénal , 2018, p. 181. 22 Henri Angevin, op. cit. , § 166. 23 Faustin Hélie, Traité de l ™instruction criminelle , Tome VII, Éd. Plon, 1867, 2 ème éd., § 3484.

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6 La doctrine avance deux justifications aux cas d ™exclusion de prestation de serment. * La première est une forme de « présomption de partialité » qui pèserait sur les intéressés . Pour Roger Merle et André Vitu, « l™exclusion du serment liée à la situation propre au déposant [–] s ™explique comme une survivance assez contestable de la théorie des preuves légales. Dans ce système en effet, on avait multiplié les règles relatives à l ™idonéité des témoins : il était important, alors, de définir les incapacités frappant certains témoins, car il fallait peser le nombre et la valeur des dépositions et, partant , savoir si elles é taient faites à titre de témoignages véritables ou de simples renseignements. Avec l ™adoption du système de l ™intime conviction, on aurait dû laisser le juge libre de déterminer les témoins dignes d™audience, sauf à exiger qu ™il examinât avec soin les rais ons d ™exclure certaines personnes. Mais les rédacteurs du Code d ™instruction criminelle, suivis en cela par les auteurs du Code de procédure pénale, sont restés très influencés par l ™ancienne théorie des preuves légales : à côté des incompatibilités, qui r endent impossible l™audition de certaines personnes, à quelque titre que ce soit, ils ont maintenu des incapacités, qui ne permettent d ™entendre l ™intéressé qu ™à titre de renseignement. [–] / Les incapacités s ™inspirent d ™une certaine méfiance à l ™égard de témoins dont la connaissance des faits du procès ou dont la conscience morale et l ™impartialité peuvent être affaiblies ou mêmes absentes . / [–] [U] ne présomption de partialité explique l ™exclusion de certains parents et alliés des délinquants poursuivis [–] / La présomption de partialité explique aussi l ™incapacité de déposer sous serment de certaines personnes, qui ont un intérêt spécial à la solution du procès : ainsi pour la victime, mais seulement à partir du moment où elle s ™est expressément constitu ée partie civile [–] tandis que le plaignant ordinaire doit être entendu sous la foi du serment [–] »24. * Une seconde explication a également été avancée pour justifier certains cas d™exclusion de prestation de serment, qui se fonde sur l ™idée d ™un confli t intime suscité par l ™obligation de déposer contre un proche . Pour Faustin Hélie, « [i] l ne s™agit plus ici d ™une incapacité, mais d ™une prohibition qu ™un sentiment d ™humanité et une règle de morale ont fait établir : la loi n ™a pas voulu que les plus pro ches parents vinssent déposer les uns à l ™égard des autres ; il a paru que l ™impunité du crime était préférable à l ™emploi d ™un moyen qui effraye la conscience et répugne à la justice elle -même ; que d ™ailleurs la déposition des proches parents, si elle es t à 24 Roger Merle, André Vitu, Traité de droit criminel , préc., § 172 et 174, p. 216 à 219.

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8 beaucoup plus de partialité que le frère avec lequel l ™accusé a cessé tous contacts depuis des années. Mais pouvait -on fai re autrement ? Bien sûr que non »28. Il est alors intéressant de faire le parallèle avec d ™autres domaines du droit pénal, pour savoir si les concu bins et partenaires de Pacs sont pris en considération au même titre que les conjoints. 2. L™assimilation partielle du concubin ou partenaire de Pacs au conjoint en droit pénal 29 Mariage, Pacs, concubinage et vie commune Le droit civil connaît trois formes de couples : les époux ou conjoints, les partenaires liés par un Pacs et les concubins. Si les droits et obligations associés à chacun de ces régimes juridiques diffèrent nettement, ils ont tous pour point commun une com munauté de vie. Ainsi, aux termes de l ™article 215 du code civil, « les époux s ™obligent mutuellement à une communauté de vie ». L™article 515 -4 du code civil dispose quant à lui que « [l]es partenaires liés par un pacte civil de solidarité s ™engagent à une vie commune ». Enfin, en vertu de l ™article 515 -8 du code civil : « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». La notion de « vie commune » n™est pas définie par la loi. Le Conseil constitutionnel a toutefois relevé que « la vie commune [–] suppose, outre une résidence commune, une vie de couple »30. 28 Jean Pradel, obs. III, G., Rec. Dalloz , 2011, p. 2231 . 29 En -dehors du droit pénal, dans le champ de la protection des majeurs vulnérables, peut être ci té l ™article 430 du code civil, suivant lequel la demande d ™ouverture d ™une mesure de protection peut être présentée par « le partenaire avec qui [la personne qu ™il y a lieu de protéger] a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux », l ™article faisant également référence à toute « personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables », le partenaire ou le concubin pouvant être désigné comme curateur ou tuteur (article 449 du même code) ; similairement, la loi n° 2007 -1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit prévoit la possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter devant le tribunal de grande instance, outre par un avocat, par une liste limitative de personnes comprenant le conjoint, le concubine ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité (art. 2) ; par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que le concubin d ™un descendant ne peut être entendu sur les griefs invoqués par des époux à l ™appui d ™une demande en divorce (Cass. 2 ème civ., 10 mai 2001, n° 99-13.833). 30 Décision n° 99 -419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité , cons. 26.

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9 * Les immunités pénales à raison du lien conjugal Le droit pénal prévoit divers types d ™immunités familiales qui trouvent chacune des fondements différents. Certaines immunités familiales trouvent leur fondement dans une solidarité familiale qui, pouvant entre r en conflit avec les devoirs légau x pesant sur chaque citoyen de collaborer avec la justice , justifie que le justiciable soit protégé du « dilemme insoluble d ™être ou un mauvais citoyen ou un parent indigne »31. Ces immunités sont relatives au fait de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives d ™un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés (article 434 -1 du code pénal), au fait de s ™abste nir d™apporter son témoignage en la faveur de la personne incarcérée ou condamnée pour crime ou délit tout en connaissant la preuve de son innocence ( 2° du troisième alinéa de l ™article 434 -11 du même code ) ou encore au fait d ™apporter une assistance à la personne auteur ou complice d ™un crime (article 434 -6 du même code). Ces immunités s ™étendent à l ™aide à l ™entrée et au séjour irréguliers lorsqu ™elle est le fait « [d]u conjoint de l ™étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à r ésider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » (article L. 622 -4 du code de l™entrée et du séjour des étrangers et du droit d ™asile). Le Conseil constitutionnel s ™est prononcé da ns une décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996 sur une version antérieure de ces dispositions, qui ne prévoyait alors d ™immunité qu ™à l ™égard du conjoint ( cf. infra ). Cette immunité a été étendue aux concubins par une loi du 11 mai 1998 32. Ces immunités ont été étendues à la personne « qui vit notoirement en situation maritale » avec l ™intéressé. Sont alors compris les concubins et les partenaires liés par un Pacs, sous réserve d ™apporter la preuve de cette situation maritale notoire. Le législateur a ain si procédé à une redéfinition du cercle familial 33. D™autres immunités trouvent un fondement patrimonial. C ™est le cas de l ™immunité accordée en cas de vol commis par une personne « [a]u préjudice de son ascendant ou de son descendant [–] de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de 31 Christine Courtin, « Immunités familiales », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale . 32 Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l ™entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d ™asile , art. 12. 33 Christine Coutin, « Immunités familiales », préc. n° 62 et suivants. Ont ainsi cessé de bénéficier de ces immunités les oncles, tantes et cousins germains et les immunités ont été étendues à certaines formes de conjugalité.

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10 corps ou autorisés à résider séparément ». Il s ™agit ici pour le législateur de prendre notamment en compte l ™idée d ™une solidarité patrimoniale entre les parties et du fait que l ™infraction a été commise dans un cadr e où les rapports pécuniaires sont organisés. Cette immunité n ™a pas été étendue au concubin ou partenaire de Pacs (article 311 -12 du code pénal) . * Lien conjugal et circonstances aggravantes L™article 132 -80 du code pénal prévoit une circonstance aggravante lorsque le crime, délit ou contravention est commis par « le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu ™ils ne cohabitent pas ». 3. Œ La jurisprudence conventionnelle La Cour européenne des droits de l ™homme a été saisie de questions proches de celles posées dans les QPC objets de la décision commentée . Était en cause la législation néerlandaise qui dispense de l ™obligation d e témoigner lors d ™un procès pénal le conjoint ou le partenaire civil de l ™accusé, mais pas son concubin. En cas de refus de témoigner par ce dernier, la juridiction peut ordonner son incarcération pour refus d ™obtempérer à un ordre de la justice. En l ™esp èce, la plaignante avait été détenue treize jours à ce titre. * Dans sa décision Van der Heijden c. Pays -Bas du 3 avril 2012 34, la Cour européenne des droits de l ™homme a estimé que cette législation portait bien atteinte au droit de mener une vie familia le normale protégé par l ™article 8 de la convention européenne des droits de l ™homme. Mais elle a jugé que cette atteinte était justifiée et qu ™elle n ™était pas disproportionnée. Son raisonnement se fonde notamment sur l ™importante marge d ™appréciation reconnue aux États en cette matière. La Cour observe que « le droit de ne pas témoigner s ™analyse en une dispense de l ™accomplissement d ™une obligation civique normale d ™intérêt général. En conséquence, il faut admettre que lorsqu ™un tel droit est reconnu, il peut être subordonné à des conditions et à des exigences de forme, rien ne s ™opposant à ce que les catégories de personnes pouvant en bénéficier soient clairement définies. / Dans la mesure où le droit interne de la partie défenderesse prévoit une dispe nse de l ™obligation de témoigner fondée sur la vie familiale, cette dispense ne vaut que pour les proches parents, le conjoint, l ™ex -conjoint, le 34 CEDH, Van der Heijden c. Pays -Bas [GC], n° 42857/05 , 3 avril 2012 .

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11 partenaire enregistré et l ™ex-partenaire enregistré d ™un suspect [–] . Cette limitation a pour effet de restrei ndre le bénéfice de la dispense aux personnes dont les liens avec un suspect peuvent faire l ™objet d ™une vérification objective . [–] Tout État qui prévoit dans sa législation la possibilité d ™une dispense de l ™obligation de témoigner peut parfaitement la c irconscrire au mariage et au partenariat enregistré. Le législateur est en droit d ™accorder un statut spécial au mariage ou au partenariat enregistré et de le refuser à d ™autres formes de vie commune de fait. Le mariage confère un statut particulier à ceux qui s ™y engagent. L ™exercice du droit de se marier est protégé par l ™article 12 de la Convention et emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques [–]. De la même manière, les conséquences juridiques du partenariat enregistré distinguent ce type de relation des autres formes de vie commune. Plutôt que la durée ou le caractère d ™assistance réciproque de la relation, l™élément déterminant est l ™existence d ™un engagement public, qui va de pair avec un ensemble de droits et d ™obligations d ™ordre contractuel . L™absence d ™un tel accord juridiquement contraignant entre la requérante et M. A. fait que leur relation, de quelque manière qu ™on puisse la définir, est fondamentalement différente de celle qui existe entre deux conjoints ou partenaires enre gistrés [–]. Par ailleurs, si la Cour devait en décider autrement, elle se trouverait confrontée à la nécessité de se pencher sur la nature de relations non matrimoniales dans une multitude de cas particuliers , ou de déterminer dans quelles conditions il e st possible d ™assimiler à une union officielle une relation qui se caractérise précisément par l ™absence d™officialisation »35. Si la Cour reconnaît que « les intérêts des témoins sont en principe protégés par des dispositions normatives de la Convention, dont l ™article 8, qui impliquent que les États contractants organisent leur procédure pénale de manière que les intérêts en question ne soient pas indûment mis en péril », elle conclut toutefois qu ™il ressort des motifs précités « qu™en l ™espèce ces intérê ts n ™ont pas été indûment mis en péril. La requérante a choisi de ne pas faire enregistrer officiellement son union avec M. A., et on ne saurait le lui reprocher. Cela étant, elle doit accepter la conséquence juridique découlant de ce choix, c ™est -à-dire s on exclusion de la sphère des liens familiaux “protégés ” auxquels s ™applique la dispense de l ™obligation de témoigner. Dans ces conditions, la Cour estime que l ™ingérence alléguée dans la vie familiale de l ™intéressée n ™était pas excessive ou disproportion née au point de mettre indûment en péril les intérêts de celle -ci ». * Il est intéressant de relever que cette décision a été rendue dans la formation la plus solennelle de la Cour, la Grande chambre, à une majorité de dix voix contre sept et 35 Même décision, § 68 et 69.

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