Le local du rez-de-chaussée de l’immeuble 51 rue du Tapis Vert est occupé par un magasin d’alcools. C’est une franchise “Nicolas”.

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2 Chapitre 1 Le local du rez-de-chauss”e de l’immeuble 51 rue du Tapis Vert est occup” par un magasin d’alcools. C’est une franchise “Nicolas”. Il y a des barres de s”curit” aux fen’tres, une mesure appropri”e dans ce quartier tr‘s pauvre de Marseille. Le magasin n’est pas en bon ”tat. Il est tr‘s sale, infest” de rats et d’insectes , et r”guli‘rement ferm” par l’inspecteur de la sant ”. L’int”rieur ne comporte pas beaucoup de d”corations –quelques photographies encadr”es de gens qui boivent. La peinture sur le mur semble s’effriter. A cŽt” de la porte, c’est le comptoir de vente; il y a une seule all”e dans le magasin avec de part et d’autre une s”lection de vins rouges et de vins blancs ‹ bon march”. Bon nombre des ouvriers du b›timent vivant dans les environs sont clients mais n’ont pas assez d’argent pour payer comptant. A cause de la proximit” de la gare, le quartier est bruyant. Il y a un parc ‹ proximit”, fr”quent” par des voyous et des trafiquants de drogue. Les jeunes disent que dans ce magasin il y a des fantŽmes qui effraient les habitants de l’immeuble. Les b›timents voisins sont aussi des immeubles d’appartements avec en fa“ade des magasins. Tout est couvert de graffitis. L’immeuble , en particulier, est un vieux b›timent en briques avec un panneau publicitaire rouge et jaune accroch” au-dessus de l’entr”e. La porte du magasin est rouge aussi. Une pancarte ‹ la vitrine indique qu’il est ouvert du lundi au jeudi de 10h ‹ 19h, vendredi et samedi de 10h ‹ 21h, et ferm” le dimanche. Les animaux domestiques sont autoris”s ‹ l’int”rieur mais les ch‘ques et les cartes de cr”dit ne sont pas accept”s. Les propri”taires parlent fran“ais, un peu d’anglais et d’arabe.

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3 Dans le temps, le foyer de l’immeuble ”tait bien entretenu. Quand on entrait dans l’immeuble, on glissait sur le sol en carreaux de marbre noirs et blancs. Les murs de couleur bourgogne ”taient par”s de rayures plus fonc”es et bord”s de beaux meubles anciens: un canap” du 19‘me si‘cle recouvert de tissu bourgogne, deux chaises et une petite table avec de fausses fleurs. Aujourd’hui tout est en mauvais ”tat. Les carreaux ”br”ch”s sont sales, les meubles ”puis”s d’avoir trop servi. Sous les escaliers se trouvent les bofltes aux lettres. Sur les murs il y a quelques graffitis. Lorsqu’o n p”n‘tre dans la loge, la cuisine est tr‘s propre. Tout est blanc sauf les murs. Les cabinets, les appareils m”nagers, le sol et les comptoirs en carreaux de marbre sont tous parfaitement blancs. Les murs sont jaune vif, de m’me pour les rideaux. Il y a un vase blanc ‹ la fen’tre avec des fleurs jaunes. Mais si la porte donnant sur la chambre est ouverte, on d”couvre l’endroit oš se mat”rialisent tous les d ”sordres du concierge. Il y a un piano au milieu de la pi‘ce et des graffitis sur les murs. Des produits de nettoyage, des papiers, des d”chets, et des v’tements sont ”parpill”s partout sur le tapis, le bureau et m’me sur son piano. La pi‘ce est remplie de souris qui ne semblent d”ranger personne.

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4 Chapitre 2 Hercule revient de chez Nicolas et ”coute ses messages. Il laisse son r”pondeur automatique se mettre en marche. Le premier message est de la part des r”fugi”s du dernier ”tage. Ç C’est Hercule Smith, je ne suis pas ‹ la loge; laissez -moi votre num”ro d’appartement, et je vous t”l”phone de suite. È Ç Il y a des souris partout dans le corridor. Ah, je lÕai eue! C’est Mathias de l’appartement num”ro 12; c’est la cinqui‘me fois que je vous t”l”phone et vous ne me rappelez pas! Il y a des souris dans notre chambre; elles ont mang” tout le canap”! Et il y a des crottes dans toute la chambre. Je suis furieux et je vais me plaindre de vous au propri”taire de lÕimmeuble. È Ç Des souris, eh. Pfft. C’est vous qui ’tes d”gueulasses. È Beep. Ç Message supprim”. È Ç Eh, allo, il est deux heures du matin!! Arr’tez donc de jouer cette musique ”pouvantable! Vous jouez trop fort et j’en ai marre!!! Tu m’entends ou quoi? J’ai dit que je veux que t’arr’tes de jouer cette Es-tu sourd! Je te parle! Quel trou du cul!!! È Beep. Ç Message supprim”. È Il y a environ cinq ans que lÕimmeuble a accueilli son “nouveau” concierge. Un jeune musicien timide et inspir” s’”tait pr”sent” pour accepter le travail. Australien, il avait un fran“ais encore h”sitant mais avait fait grande impression quand il ”tait arriv” avec son piano. Hercule Smith avait toujours r’v” de devenir compositeur. Quand il ”tait petit gar“on, sa m‘re jouait du piano toute la journ”e. Elle disait que la musique ”tait pur esprit, et qu’il nÕy avait pas de prix pour lÕesprit, comme pour lÕamou r. A la mort de sa m‘re, Hercule avait d”cid” de quitter lÕAustralie et d’aller en France poursuivre son r’ve en lÕhonneur de sa m‘re d”funte. Malheureusement, il avait d”couvert que cÕ”tait difficile de se faire entendre et d’’tre original. Apr‘s plusieur s ann”es d’”checs, il avait r”alis” que son r’ve ”tait fini. Essayer de gagner de lÕargent avec sa seule passion ”tait impossible. La cr”ativit” et le talent nÕint”ressaient pas ceux qui auraient pu l’aider. Alors il s’”tait mis ‹ donner de petits concerts avec des orchestres d’amateurs. Il jouait du piano dans plusieurs formations de quartier. Le coup de gr›ce ”tait tomb” lorsque l’h”ritage qu’il avait re“u de sa m‘re s’”tai t ”puis”. Sans plus dÕargent, il ”tait devenu alcoolique. Le magasin Nicolas dans lÕimmeuble l’avait alert” de la place de concierge, vacante, et les propri”taires, pris de compassion, lui avaient donn” une seconde chance. Mais il ”tait d”prim”, coup” du monde. Ses chansons devenaient tristes et discordantes. Il ”tait apparent quÕil ”tait d”traqu”. Il buvait et jouait parfois pendant toute la nuit, frappant les touches avec exasp”ration, et il sÕ”tait attir” la haine des locataires. Son ”tat, sa sant” s’aggravaient. Hercule ne jouait plus pour les orchestres amateurs dont il avait fait pa rtie ‹ cause de ses nombreux probl‘mes ‹ travailler en collaboration. Il avait toujours ”t” c”libataire. Solitaire, morose, et rarement en compagnie dÕamis, Hercule restait une ”nigme pour les gens de l’immeuble , qui lÕ”vitaient g”n”ralement, dÕautant quÕil ne r”pondait jamais promptement ‹ leurs appels. Ils se parlaient rarement. La seule exception, cÕ”tait Natasha pour qui il avait imm”diatement ressenti quelque chose, lorsquÕelle sÕ”tait install”e dans lÕimmeuble.

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5 Ç Bonjour Monsieur, j’ai une ques tion. Mon fils se plaint du bruit qu’il ne cesse d’entendre la nuit. Il dit que “a vient du rez-de-chauss”e. Pouvez-vous me dire si ce sont les jeunes du quartier, que je me plaigne ‹ la police? Merci. È Beep. Ç Bonjour Hercule! Nous n’avons plus de CŽtes de Provence au magasin et je me demandais si vous pouviez modifier votre commande. Nous attendons ”galement la vodka dont la livraison est en retard! È Beep. Quelqu’un est ‹ la porte. Hercule ouvre; il est surpris de trouver sur le seuil une locataire en col‘re. Ç Il n’y a pas d’eau chaude dans le b›timent et je suis fatigu”e de prendre des douches froides! Il faut faire quelque chose. È Ç Je suis d”sol” Madame. J’ai appel” six fois le plombier et il n’a toujours pas r”pondu ‹ mes appels. Peut-’tre que si tout le monde payait son loyer, on aurait de l’argent pour faire venir un service d’urgence. È Ç Ce n’est pas mon probl‘me. Mon probl‘me est que nous n’avons pas d’eau chaude. Trouvez une solution ou vous allez le regretter! È La femme sort, toujours en col‘re. Ç Merde! C’est sans fin avec ces gens! CÕest toujours, Hercule, fais ceci, fais cela. Je suis seul et je ne peux pas tout faire! È

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6 Ç Bonjour, Hercule. CÕest moi, Natasha, au premier; eh, jÕai besoin de votre aide avec mon ”vier. LÕeau ne sÕ”coule plus. Je suis d”sol”e. Appelez-moi vite, sÕil vous plaflt. È Beep. Hercule ne prend m’me pas la cl” de sa porte; il monte imm”diatement ‹ l’appartement de Nata sha pour la seconder. Elle habite dans l’immeuble depuis 3 ans. Elle sÕy est install”e quand cÕ”tait encore un assez joli endroit. Elle sait quÕHercule aime ‹ la regarder avec insistance, mais elle n’a ni le courage ni l’argent pour d”m”nager. Hercule parle rarement avec elle, et il ne lÕa jamais touch”e. De plus, elle veut que sa fille, Ir‘ne, soit proche de son p‘re, Jean-Michel, qui vit aussi dans lÕimmeuble. Leur histoire a commenc” quand elle est arriv”e rue du Tapis Vert. Ils ont r”ussi ‹ cacher leurs relations ‹ la femme de Jean-Michel. Mais maintenant quÕIr‘ne est n”e Natasha a peur que tout se sache. Elle veut que Jean-Michel divorce, mais elle n’est pas s žre que ce soit possible. Elle est souvent d”prim”e, dans lÕattente dÕun changement dans sa vie. Hercule frappe trois petits coups de suite quand finalement Natasha ouvre la porte: Ç QuÕest-ce quÕil y a, Hercule? È Il la regarde timidement. Ç Je pensais que vous aviez besoin de mon aideÉ avec votre ”vier. È La porte s’ouvre en grand, elle lÕ”tudie du regard. Ç Eh, oui Hercule, mais je vous ai demand” de mÕappeler dÕabord. Je ne peux pas vous recevoir maintenantÉ È Ç Qui est l‹? Hercule essaie de regarder ‹ lÕint”rieur, jÕai entendu quelque chose. È Ç Ce n’est rien, Hercule. A plus tard. È Ç En fait, je me demandais si vous vouliez me donner votre avis plus tard sur une pi‘ce pour piano È Ç Eh peut-’tre È Ç Si vous avez le temps, bien entendu È Ç Vous organisez un petit concert, alors? È Ç Mmm non. Je veux jouer pour vous d’abord. È Natasha h”site: Ç Euh, non, “a ne va pas ’tre possible. D”sol”e. Je suis vraiment trop occup”e cette semaine. Peut-’tre pourrais-je assister au prochain concert que vous donnerez È Le concierge est d”“u. Ç D’accord, Nata sha. Bonne journ”e È Ç Bonne journ”e! È Il faisait pluvieux et sombre quand Natasha est n”e le 16 avril 1986. Ses parents vivaient dans un quartier modeste de la ville de Marseille. Ils l’ont encourag”e autant qu’ils le pouvaient, mais Natasha ne s’est jamais souci” e de faire des ”tudes plus avanc”es quÕeux. Elle ”tait malheureuse parce qu’elle a vait toujours r’v” d’avoir plus . Quand elle a eu 16 ans, elle a commenc” ‹ travailler et ‹ ”pargner de l’argent parce qu’elle voulait sortir. Ë 20 ans, elle ne vivait plus ‹ la maison. Elle avait rencontr” Robert, un homme d’affaires tr‘s riche qui lui donnait tout ce dont elle r’vait. Natasha ”tait une tr‘s belle femme, et Robert ”tait tomb” amoureux. Elle avait une personnalit” charmante, de longs cheveux noirs, de beaux grands yeux bleus, et la mince silhouette que toute femme aurait d”sir” avoir. Apr‘s leur rencontre, ils avaient d”cid” de sÕinstaller ensemble tr‘s rapidement, mais Natasha n’”tait pas convaincue. Ils avaient d”j‹ des probl‘mes de confiance mutuelle parce que partout oš elle allait, des hommes lÕapprochaient. Peu importait quÕelle veuille ’tre abord”e ou non, sa beaut” semblait attirer toutes sortes de types, des plus riches hommes d’affaires aux brutes les plus louches de Marseille.

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8 de leurs horaires bizarres. Evidemment, ils ne lui ont pas dit comment ils paient le loyer, mais elle comprend ‹ moiti”. Natasha nÕest pas leur seule amie dans lÕimmeuble. Ils ont aussi des contacts deux ”tages plus hauts, avec les r”fugi”s de G”orgie, ‹ qui ils revendent le fruit de leurs larcins de temps en temps. En toute honn’tet”, Luciano et Dante ont peur des G”orgiens, parce que plusieurs dÕentre eux ont des liens avec la mafia russe. Luciano, le plus ›g” des fr‘res, veille sur Dante et ne veut pas avoir trop de relations avec des personnes quÕil consid‘re dangereuses. A chaque fois que cÕest possible, il ”vite de faire affaire avec eux. Il sait, cependant, que sÕils ont vraiment besoin de quelque chose, ils peuvent le demander ‹ Mathias. Mais on ne peut pas savoir ce quÕil demanderait en retourÉ Luciano esp‘re bien pouvoir toujours se dispenser de ses services. Quand ils sont arriv”s chez Natasha, elle ”tait en train de pleurer. Il semblait qu’elle avait des probl‘mes plus importants que les leurs. Elle les a fait entrer dans sa chambre: Ç J’ai besoin de votre aide. Je ne sais pas quoi faire. Hercule me harc‘le et j’ai peur. È Ç Je connais quelqu’un qui peut vous aider. È Dante intervient: Ç Mathias? È Ç Oui È Il y a toujours des bougies allum”es arrang”es partout dans la chambre de Natasha. Sur son lit, il y a des draps roses et des taies d’oreiller noires. Au fond de la chambre ‹ cŽt” du lit se trouve un ”lectrophone avec une collection de nombreux disques de Milli Vanilli et Rick James. Les rideaux ‹ la fen’tre sont turquoise et ne laissent entrer aucun rayon de soleil dans la pi‘ce. Des bouteilles d’alcool, qu’elle ne boit gu‘re ‹ moins que Jean-Michel ne soit chez elle, bordent les murs. Ses v’tements se trouvent ”parpill”s sur tout le plancher. Elle craint toujours de ranger sa chambre parce qu’il y a de s souris qui vivent dans l’immeuble. Chapitre 3 Hercule remarque des ombres sous la porte. Apr‘s un moment, on frappe trois petits coups. Ç Entrez, È dit Hercule. Luciano entre sans bruit. Ç Asseyez-vous, Luciano. È Ç Vous appelez toujours les r”sidents par leur pr”nom? È demande Luciano en haussant les sourcils. Ç J’estime que vous et moi avons un meilleur niveau de compr”hension que les autres. È Ç QuÕest-ce que vous voulez dire? Vous ne me connaissez pas si bien que “a. È Ç Vous, votre fr‘re, et moi sommes de la m’me famille. Quand vous devez quelque chose, je vous aide, et quand j’ai besoin d’une petite augmentation de revenu, vous devriez ’tre heureux de m’obliger. È Ç De la m’me famille? Jamais de la vie. È Ç Mais vous nÕavez pas dÕautre familleÉ Qui voudrait de vous? Deux gar“ons orphelins et trois chiens se cachant des mafieux qui ont tu” leurs parents? Ouais, jÕai d”couvert pourquoi vos parents sont morts. È Ç CE NÕEST PAS VOTRE AFFAIRE! È Ç Si les Italiens arrivent et quÕils essaient de finir leur t›che, cÕest mon affaire. È Ç Ils ne nous trouveront jamais. È

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9 Ç Ils vous trouveront si quelquÕun leur dit oš vous ’tes. È Ç Tu n’oserais pas. È Ç JÕai vu l’int”rieur de votre appartement. È Il atteint sa poche de veste et en sort une petite cl” dÕargent. Un cr›ne est taill” ‹ la place de l’anneau. Ç JÕai la cl”. È Ç Tu es un pauvre type, compl‘tement d”gožtant. Tu devrais avoir la honte. È Ç Votre m‘re ”tait tr‘s sexy. Elle ressembleÉ È Hercule commence ‹ se l”cher les babines, comme un chien. Luciano lÕinterrompt brusquement: Ç Ferme ta gueule de damn”, CONNARD! È En sÕapprochant de lui, Hercule exhale une forte odeur dÕalcool : Ç Je vous expulse, mon gar“on. È Ç Pour le loyer, le ch‘que, je lÕaurai demain, dÕaccord? È Ç Non, mon gar“on, ce nÕest plus assez. È On entend un faible sifflement suivi par un coup. Hercule caresse sa main toute rouge. Ç Je ne veux pas te frapper. Je fais mon travail, cÕest tout. È Luciano se jette sur un couteau traflnant sur le comptoir, mais Hercule l‘ve encore la main pour frapper le gar“on. Son poing s’applique sur sa joue droite. Un petit jet de sang tombe sur sa veste. Il tr”buche en essayant de maintenir son ”quilibre; Hercule le repousse dans la chaise derri‘re lui. Il le gifle une troisi‘me fois, lÕ”pinglant fermement contre le dossier: Ç …coute-moi et ”coute bien, mon gar“on. CÕest MON immeuble et ce que je d”cide de faire nÕest pas ton affaire. DÕaccord? Ou devrais-je dire ÔKapishÕ? È Hercule saisit Luciano par son col et le jette dehors; le sang continue ‹ couler de la plaie sur son visage. Chapitre 4 Natasha a rencontr” Jean-Michel dans le couloir: Ç J’ai besoin de te parler Jean -Michel È Ç Arr’te, c’est impossible ici, Francine nous soup“onne, Nata sha È Ç Mais c’est important, Jean -Michel, nous avons besoin de parler de notre situation; je ne peux pas vivre comme “a toute ma vie. Hercule me harc‘le et il nous soup“onne aussi. Il mÕa fait comprendre que si nous ne lui donnions pas d’argent , il appellerait Francine È Ç Es-tu certaine quÕil sait quelque chose? È Ç Oui, il mÕa demand” si nous nous voyons fr”quemment. È Ç Je lui parlerai demain, ne t’inqui‘te pas, et je passerai te voir ce soir ! Mais Francine ne doit rien apprendre de nos relations. Nous avons besoin de faire taire Hercule. È Ç A ce soir, mon ch”ri È Jean-Michel court ‹ son appartement. Francine, sa femme, est rentr”e il y a 10 minutes. Elle attend ‹ table, lÕair d”rang”–un air de folie sur le visage. Tout bas il marmonne un Ç Merde È de d”pit. Ç D’oš viens -tu?!? È raille Francine. Ç J’ai fai m et tu n’as pas donn” ‹ manger ‹ Bobo de la journ”e! È Ç Pourquoi est-ce que c’est moi qui suis responsable de ton singe? Et depuis quand est-ce que tu manges? Bon je vais te pr”parer un petit truc Il y a des Ïufs dans le frigo. È Ç Je n’aime pa s les Ïufs ; tu les fais trop coulants. ‡a me d”gožte. Je vais manger au caf” dÕ‹ cŽt”. È

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10 A ce moment-l‹, Jean-Michel voit tous les sacs d’achats empil”s dans un coin : Ç Mon Dieu! Combien de magasins as-tu faits aujourd’hui? C’est encore des v’tements? È Ç Tais-toi! Surtout ne dis rienÉ È Elle sort en trombe, tr”buchant sur ses talons. Jean-Michel soupire et porte les sacs dans leur chambre. Il donne sa nourriture ‹ Bobo, qui crie dÕexcitation. Il doit rompre avec Francine. Mais comment le lui avouer? Francine et Jean-Michel se sont mari”s il y a 10 ans. Ils ”taient amoureux depuis le lyc”e. Jean-Michel a imm”diatement aim” Francine parce qu’elle ”tait grande et belle avec une peau parfaite et de beaux cheveux longs. Elle ressemblait ‹ un mannequin. Mais elle savait qu’elle ”tait belle et, fi‘re de ses dix-huit ans, elle n’avait pas voulu se d”cider ‹ sortir avec lui avant de le connafltre mieux. Apr‘s quelques mois, elle s’”tait adoucie. Ils se sont fianc”s un an apr‘s le lyc”e. Leur vie et leur amour ne sont pas rest”s purs, cependant. Ils sont magnifiques tous les deux, et pendant quelques ann”es ils ont ”t” mannequins dans une agence de Marseille. Mais le monde de la mode n’estime pas la fid”lit”, et ils se sont fait du mal. Jean-Michel a quitt” le mannequinat pour sauvegarder leur mariage, mais les d”g›ts ”taient trop graves. Francine ”tait devenue diff”rente. Quoiqu’elle po se encore, sa beaut” a ”t” affect”e par la consommation de drogues et d’alcool. Maintenant elle ne vaut plus grand-chose m’me lorsqu’elle obtient un contrat. Avec les ann”es, leur relation s’est affaiblie. Francine travaille un peu partout , ‹ droite ‹ gauche, et elle est souvent partie. Son absence a rendu possible la liaison de Jean-Michel et Natasha. Elle ne se doute pas de l’infid”lit” de son mari, mais c’est probablement ‹ cause de son alcoolisme. Tout le monde dans l’immeuble sait ou suspecte qu’il y a quelque chose entre eux. A l’exception de Sampson, un danseur homosexuel, Francine n’a pas d’amis parmi les voisins, qui dÕailleurs ne bl›ment pas Jean-Michel, surtout depuis qu’Ir‘ne est n”e. Chapitre 5 Ce dimanche-l‹ Dante Jonas sÕ”tait ”veill” abruptement, terrifi”, couvert de sa propre sueur, les cheveux emm’l”s et les yeux rouges. Il regardait sa chambre vide. Des larmes sÕ”taient form”es dans ses yeux au souvenir de la trag”die qui lÕavait r”veill”. Un autre matin, sous le beau soleil de Venise, Dante descend saluer ses parents–son p‘re en train de lire les nouvelles et sa m‘re devant la cuisini‘re, pr”parant un d”licieux d”jeuner de p›tes ‹ lÕAlfredo et de pain ‹ lÕail. Il sÕapproche de la grande table de ch’ne, trop grande, cÕest vrai, pour les besoins dÕune famille de quatre. Son p‘re lui dit bonjour dÕun sourire rapide, tout en continuant ‹ lire son journal. Dante sÕassied ‹ cŽt” de son fr‘re, Luciano ; sa m‘re met le pain encore chaud sur la table et sÕassied ‹ son tour. Elle leur demande leurs projets pour la journ”e. Dante lui r”pond joyeusement : Ç ‡a va bien, maman, je crois que je vais aller nager cet apr‘s-midi ‹ la piscine du quartier. È Elle se tourne et regarde Luciano : Ç Et toi, mon fils ? Qu’est -ce que tu vas faire aujourdÕhui ? È Luciano lui sourit des yeux et r”pond : Ç Tu le sais, maman, je vais sortir avec mes potes. È

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11 Avec inqui”tude elle r”torque : Ç Dis-moi exactement ce que tu vas faire avec tes ÔpotesÕ ! È Ç JÕai quinze ans, maman, je nÕai plus besoin de te donner tout le d”tail de ma vie ; je ne suis pas un gosse, tu sais ! È Ç Ch”ri, tu veux donner ton avis ‹ ce sujet, sÕil te plaflt ? È dit-elle ‹ son mari. Le p‘re, ”videmment d”rang” par la remarque, pose son journal sur la table et demande ‹ Luciano dÕob”ir ‹ sa m‘re. Elle hausse les ”paules : Ç Merci, mon ch”ri, de ta contribution ‹ lÕ”ducation de ton fils. Luciano, nÕoublie quand m’me pas quÕon dflne ensemble, ce soir. È Il r”pond en soupirant : Ç Oš ? È Ç Au Jardin des Olives ‹ 20h. È Avec un deuxi‘me soupir, ‹ contrecÏur, il acquiesce : Ç DÕaccord, jÕy serai. È Apr‘s le d”jeuner, Dante entre dans le bureau oš son p‘re travaille. Il lÕinterrompt : Ç Tu veux aller nager avec moi ? È Sans lever la t’te, M. Jonas r”pond : Ç D”sol” mon fils, jÕai beaucoup ‹ faire ; ce nÕest pas facile dÕ’tre un Armani. LÕargent doit bien venir de quelque part. È Dante est m”content : Ç OuiÉ Bien sžrÉ Le devoir dÕun p‘re nÕest jamais termin”. La prochaine fois, peut-’tre. È En ouvrant la grande porte vitr”e de la piscine, on d”couvre un bassin entour” dÕarbres taill”s en formes g”om”triques. Dante jette sa serviette sur une chaise et marche vers le plongeoir. Arriv” au bord, il pense ‹ sa famille et ‹ la fa“on dont tout serait diff”rent sÕils nÕavaient pas dÕargent. Il imagine un petit appartement de deux pi‘ces. LÕimmeuble est au-dessous de la moyenne, avec de la tapisserie sale dans le hall. LÕeau nÕest jamais chaude plus de quelques minutes. Une table pliante entour”e de quatre chaises bancales : cÕest ici que la famille Jonas mange ses repas. Les coupons que fournit le gouvernement sont dÕune quantit” insuffisante. En lÕabsence de tout luxe, le temps pass” en commun devient plus important. Un lien plus fort se forme entre chacun dÕeux. Peut-’tre m’me quÕils pourraient nager ensemble. Dante sent une brise rafraflchissante traverser lÕendroit inond” de soleil et revient ‹ la r”alit”. Il ferme les yeux, l‘ve ses bras en croix, et laisse tomber son corps dans lÕeau. Quelques heures plus tard, soucieux dÕavoir perdu la notion du temps, il quitte rapidement la piscine pour aller sÕhabiller. Chez lui, il entre dans le salon et voit sa m‘re dans une ”tonnante robe ‹ paillettes dor”es ‹ cŽt” de son p‘re, qui porte un smoking noir. Le couple parle ‹ voix basse ; Dante essaie de comprendre ce quÕils disent, mais sans succ‘s. Il ne sait pas que ses parents ont des probl‘mes financiers. En lÕapercevant, ceux-ci constatent ensemble : Ç Tu es pr’t, enfin ? È Ç Ouais, oš est Luciano ? È Ç Il va nous rejoindre au restaurant ; allez, on y va. È En chemin, Dante remarque une voiture noire qui les suit depuis plusieurs minutes. Tout dÕun coup, sans provocation, son p‘re sÕ”crie : Ç Merde ! È Et sans h”sitation il tourne au prochain feu. La voiture noire tourne aussi, continuant ‹ les suivre. Les Jonas arrivent ‹ un stop mais ne marquent pas lÕarr’t. La voiture noire acc”l‘re, ”vitant de justesse un

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