Ce texte a pour objectif d’aider les professionnels à améliorer leurs pratiques pour mieux répondre aux attentes des patients. Page 2. – Annoncer une mauvaise
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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 2 Service évaluation des pratiques Œ Février 2008 Sommaire Sommaire. .2 Introduction ..3 Points de repère.. .4 I. Introduction .4 II. Annoncer, informer pour quoi faire ? (1) .4 III. Retentissement de l™annonce 5 III.1. Un effet traumatique. 5 III.2. Comment le patient se défend.. ..5 IV. Écueils et risques évitables.. .7 V. Le point de vue du médecin. .7 V.1. Les difficultés qu™il peut rencontrer.. ..7 V.2. Les mécanismes de défense des soignants (5) ..8 VI. En pratique. 9 VI.1. Le temps. ..9 VI.2. L™Écoute. 9 VI.3. Les mots choisis.. 10 VI.4. Le suivi de l™annonce (10) ..11 Des questions permettant au professionnel de mieux aborder l™annonce.12 I. Questions à se poser avant la rencontre avec le pa tient..12 II. Des informations à obtenir lors de la rencontre av ec le patient.13 III. Quelques suggestions. ..13 III.1. Pour obtenir l™information. ..13 III.2. Pour la donner. .13 IV. Questions à se poser en fin de consultation.. .14 V. Conditions matérielles minimum de la consultation d ™annonce..14 Illustration de situations particulières.. 15 Annonce de la maladie d™Alzheimer Dr Laurence Luqu el, Dr Daniel Dreuil..15 Annonce d™un cancer Dr Fadila Farsi, Mme Roselyne T hiéry-Bajolet17 Annonce du diagnostic d™une maladie génétique : la maladie de Huntington Dr Alexandra Dürr, Mme Marcela Gargiulo. 20 L™annonce d™une maladie neuromusculaire à l™enfant Mme Marcela Gargiulo..23 L™annonce à l™enfant de la maladie d™un parent, d™u n proche Dr Isabelle Moley-Massol..28 Remerciements.. .31 Remerciements.. .31 Références bibliographiques .33 Pour en savoir plus.. 34

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 3 Service Evaluation des Pratiques Œ Février 2008 Introduction « Il n™existe pas de “bonnes” façons d™annoncer u ne mauvaise nouvelle mais certaines sont moins dévastatrices qu e d™autres » (1) Annoncer une mauvaise nouvelle est toujours diffici le, que l™on se place du côté du soignant qui reçoit un patient et doit la lui annon cer ou du côté du patient qui la reçoit. Cette annonce va changer radicalement le co urs de la vie du patient et sa perception de l™avenir. La difficulté que les profe ssionnels de santé peuvent ressentir pour l™annoncer est liée à cet état de fait, il est toujours difficile de dire à une personne que ses projets de vie sont remis en cause . Nous sommes convenus, avec les membres du groupe de travail, de considérer que l™annonce d™une mauvaise nouvelle était un processu s continu tout au long de la prise en charge des patients et concernait tous les profe ssionnels impliqués dans cette prise en charge. Ce document a pour objectif de : · donner aux professionnels des points de repère con cernant les patients et eux-mêmes afin de mieux comprendre les difficultés que le professionnel peut ressentir lorsqu™il doit faire cette annonce ; · proposer des questions que le professionnel pourra it se poser avant de recevoir un patient ou des informations à recherche r auprès de lui, en vue d™évaluer/améliorer ses pratiques ; · illustrer notre propos par une présentation de que lques situations particulières d™annonce. Le terme médecin est parfois employé dans le docume nt, il peut s™entendre comme professionnel. Si nous avons utilisé ce terme dans certains cas c™est que le médecin a un rôle particulier dans le processus d™annonce, il est le premier à annoncer.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 4 Service évaluation des pratiques Œ Février 2008 Points de repère Il n™y a pas une annonce, mais une succession d™ann onces, tout au long de la prise en charge, au rythme des patients, à laquelle participe chaque professionnel d™une équipe. I. Introduction Qu™est-ce qu™une mauvaise nouvelle ? Une mauvaise nouvelle est « une nouvelle qui change radicalement et néga tivement l™idée que se fait le patient de son (–) être et de son (– ) avenir». (2) Elle ne concerne pas uniquement un diagnostic, mais aussi les conséquences possibles de la maladie ou des traitements, à type, par exemple, de handicap ou de déficience. Elle peut être ressentie comme une condamnation à mort, mais aussi une condamnation à mal vivre. Elle peut être certaine ou possible, immédiate ou future . Elle peut également poser la question de la transmission génétique aux descendants, d’une pr obabilité d’atteinte d’autres membres de la famille, de la contamination d’autrui. Elle rest e néanmoins subjective, intimement liée à l™histoire du patient. La perception de ce qu’est u ne mauvaise nouvelle peut donc être différente entre le médecin et le patient. La perce ption qu™en a le médecin est parfois éloignée de celle qu™en a le patient : « Essentiellement ind ividuelle, la réaction à la maladie est imprévisible et mouvante, à la fois dépendante et d étachée de la sévérité de l™affection (–) l™histoire personnelle du sujet influence la façon dont la maladie est reçue, vécue, intégrée » (1) . Si la mauvaise nouvelle concerne le patient par la modification radicale du cours de sa vie, les difficultés du médecin face à l’annonce d’une telle nouvelle doivent également être explorées. Il s’agit de la difficulté à dire pour le médecin. Il doit pouvoir proposer tout type d’aide au patien t en élargissant le champ du strictement médical à l’ensemble de la sphère médico-sociale. II. Annoncer, informer pour quoi faire ? (1) Annoncer c™est « communiquer », « faire savoir » qu e quelque chose existe et/ou va se produire. Ce n™est pas seulement informer, ni même « faire comprendre », mais c™est transmettre quelque chose de complexe et d‚élaboré. Les patients ne sont pas nécessairement familiers avec le savoir dont dispose le médecin. Annoncer, c™est cheminer avec un patient vers la connaissance qui le concern e. Les annonces, tout au long du processus d™accompagn ement, doivent donc permettre aux professionnels de donner au patient les information s dont il a besoin. Le médecin a un rôle particulier dans ce processus puisqu™il est souvent le premier à annoncer le diagnostic.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 5 Service Evaluation des Pratiques Œ Février 2008 L™annonce revient à définir une perspective pour le patient, elle a un effet structurant quand elle est adaptée. « Personne ne contestera que ce qui est terrible et connu vaut toujours mieux que ce qui est terrible et inconnu. Dans les vieilles formules mag iques, le diable est souvent conjuré parce qu™il dit son nom.» (3) L™annonce « met aussi un terme à une période d™ince rtitude, coupe court aux suppositions et interprétations erronées ». (4) Elle permet de nommer la maladie. L™annonce a un effet fondateur de la relation médec in-malade. Le patient a besoin d’un référent. Il va le choisir comme la personne qui lu i a donné les éléments de réponse dont il avait besoin. « La qualité des liens futurs entre l es personnes concernées et le médecin dépend beaucoup de la communication qui s™établit l ors de la consultation d™annonce.» (4) III. Retentissement de l™annonce III.1. Un effet traumatique Souvent l™émotion est tellement forte lors de la pr emière annonce que le patient n™entend qu™une petite partie de ce qui est dit. On parle al ors de sidération. Lors de la consultation où est réalisée la première annonce, tout ne peut être abordé, le patient a besoin de temps. Les différentes étapes du processus d™acceptation d e la perte ou du deuil ont été décrites comme : le choc, la colère, la dénégation voire le déni, le marchandage, la dépression, l™acceptation. Le déroulement de ce processus n™est pas uniforme, il varie selon les personnalités et les situations. Mais ce qui est co nstant chez le patient, c™est le besoin d™être entendu, compris et accompagné à son rythme. En fonction de son cheminement personnel, chaque pa tient a une aptitude particulière à intégrer les informations, c™est pourquoi elles dev ront lui être redonnées par les différents intervenants, à différents moments. III.2. Comment le patient se défend Quelques éléments pour comprendre les mécanismes de défense des patients : · Ils ont une fonction de protection indispensable f ace à une situation vécue comme trop douloureuse. · Ils ne sont pas une preuve de pathologie mais une tentative d™adaptation du psychisme face à l™angoisse, ils tendent à rendre l ™information plus tolérable. · Ils sont donc toujours à respecter. · Ils sont inconscients. · Ils se réorganisent en permanence, ils ne sont don c pas figés dans le temps.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 6 Service évaluation des pratiques Œ Février 2008 · En revanche, ils peuvent susciter une incompréhens ion dans la relation entre soignant et patient. Il est donc nécessaire de les prendre e n compte dans son positionnement face à un patient. Le patient peut adopter une des attitudes de défens e suivantes, il peut passer d™une attitude à une autre dans le temps (5) . · L™isolation : la charge affective se trouve séparée de la repr ésentation à laquelle elle était rattachée. Exemple : Mme A. reprend les explications précédemm ent fournies par le médecin, elle explique très clairement l™évolutivité de sa maladi e et la mort inéluctable sans manifester aucune angoisse, comme si cela ne la concernait pas . ˘ ˇˇ · Le déplacement : la charge affective est déplacée d™une représent ation sur une autre, généralement moins menaçante. Exemple : Mme R. évoque sa difficulté à ne plus pou voir marcher l™année dernière suite à une fracture de la jambe et ne revient jamais lors de l ™entretien sur la tumeur cérébrale dont elle souffre et qui lui a fait perdre définitivement l™u sage de ses jambes. ˆ˘˘˙ ˝˘˘ ˘˛˘˘˘˙ ˘˙ˇ˘ ˚ Savoir écouter pleinement sans émettre de jugement hâtif. Rester vigilant à ce que le patient évoque même si cela nous paraît n™avoir auc un rapport avec l™objet de l™entretien. · La projection agressive : l™angoisse se trouve projetée sous forme d™agres sivité sur l™entourage, souvent le médecin ou l™équipe soignan te. Il est nécessaire dans de pareilles situations très difficiles pour les soignants d™essayer de ne pas se sentir personnellement mis en cause. R épondre sur une modalité défensive similaire ne pourrait qu™entraîner une ma joration de la détresse du patient. · La régression : permet au patient de ne plus avoir à assumer les évènements mais de les laisser à la charge de l™autre. Exemple : M. P., malgré les sollicitations du médec in, laisse son épouse répondre à toutes les questions le concernant. Dans ce cas précis il serait très anxiogène de met tre le proche à l™écart et obliger le patient à affronter seul les événements qui le conc ernent. · Le déni : le patient se comporte comme si rien ne lui avai t été dit. Le déni se met en place face à une angoisse massiv e que le patient est incapable de traiter et il est généralement partiel et transi toire. Il est nécessaire de laisser alors un peu de temps au patient.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 8 Service évaluation des pratiques Œ Février 2008 L™annonce d™une maladie d™Alzheimer (MA), par exemp le, « réveille en lui l™altération d™images parentales, sa propre crainte devant le vieillissem ent, ce type de maladie et la mort– Enfin, la MA, comme toute maladie incurable, place le médecin devant son impuissance. Elle le confronte à la gestion de manifestations psychocomp ortementales et familiales pour lesquelles il n™a pas reçu de formation adéquate et qui, de plus, demandent un temps qu™il lui est souvent difficile de consacrer.» (8) V.2. Les mécanismes de défense des soignants (5) Les médecins minimisent souvent la charge de leurs émotions personnelles lors de l™annonce. Or, les professionnels sont eux aussi soumis à l™an goisse de la situation de leurs patients et peuvent mettre en place des mécanismes de défense q u™il est utile de reconnaître. · L™identification projective : mécanisme le plus fréquemment utilisé qui vise à attribuer à l™autre ses propres sentiments, réactio ns, pensées ou émotions. Il permet au soignant de se donner l™illusion qu™il sait ce q ui est bon pour le patient. Exemple : Mme D. décide de confier son fils à sa mè re à l™énoncé du diagnostic de sa maladie. Le soignant cherche immédiatement à l™en dissuader en lui expliquant la nécessité pour un enfant d™être auprès de sa mère sans chercher à sai sir ce qui la pousse réellement à prendre cette décision. Occulte totalement le vécu du patient. Risque de c ulpabilisation et donc de majoration de l™angoisse du patient qui ne se senti ra pas mieux alors même qu™il a suivi les consignes données par le soignant. · La rationalisation : discours hermétique et incompréhensible pour le p atient. Induit un échange sans réel dialogue avec le patie nt. Empêche le cheminement psychique du patient par rapport à ce qu™il vit. · La fausse réassurance : le soignant va optimiser les résultats médicaux en entretenant un espoir artificiel chez le patient. Elle arrive souvent en réponse à l™expression, par le patient, d™une angoisse que le soignant ne se sent pas capable d™entendre. Elle produit donc un décalage entre le cheminement du patient et les propos du soignant et empêche ainsi la réalisation du travail psychique du patient. · La fuite en avant : le soignant, soumis à une angoisse imminente, ne trouve pas de solution d™attente et se libère de son savoir, « il dit tout, tout de suite et se décharge de son fardeau.» (1). Ne prend absolument pas en compte la nécessité d™u ne information pas à pas pour que le patient puisse l™assimiler. Provoque la sidé ration du patient et empêche totalement le patient de cheminer face à ce qui lui arrive.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 9 Service Evaluation des Pratiques Œ Février 2008 · La banalisation Exemple : « Les cheveux ça repousse ! », face à une patiente terrifiée à l™idée des effets secondaires de la chimiothérapie. Le soignant se focalise sur la maladie et met tota lement de côté la souffrance psychique du patient. Le patient ne se sent pas ent endu et peut avoir le sentiment qu™il n™y a pas de légitimité à ce qu™il ressent, ce qui majore son angoisse. · Le mensonge (1,9) : il a pour objectif de «préserver» le patient. En réalité, il préserve le médecin, et parfois la famille du malade, de la réa ction du patient, telle qu™il l™imagine ou la redoute. Ne tient pas compte de la demande du malade ni de ses ressources personnelles et l™empêche d™élaborer une représentation de sa malad ie. VI. En pratique « Si aucune recette miracle n™existe pour annoncer une maladie grave, il y a des ingrédients indispensables que sont le temps, l™éco ute et les mots choisis.» (7) VI.1. Le temps Il ne s™agit pas de préconiser une longueur optimal e de la consultation– mais de parler plutôt de disponibilité. Même si le créneau prévu doit être suffisamment lon g (pas de rendez-vous toutes les 10 minutes–), la durée de l™entretien doit être adapté e à la demande du patient : · courte lorsqu™il est « sidéré » par la nouvelle et n™entend plus ou n™écoute plus (lui proposer alors un deuxième entretien) ; · plus longue s™il pose des questions. Quoi qu™il en soit, il faut respecter la liberté du patient, son rythme et sa personnalité. VI.2. L™Écoute L™écoute active est une réponse à l™impact traumati que. Écouter le patient, c™est l™aider à poser des questions, à exprimer des émotions. Si les patients ne posent pas de questions, cela ne signifie pas toujours qu™ils ne veulent pas savoir, mais parfois ils ne savent ni comment les f ormuler ni quoi demander (niveau socioculturel, difficultés d™expression–) (9) . L™organisation du professionnel ou de l™institution doit permettre de préserver ce temps d™échange.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 10 Service évaluation des pratiques Œ Février 2008 VI.3. Les mots choisis Ne pas oublier que si chaque mot compte, au-delà de s mots, l™attitude et la posture du médecin constituent aussi des messages. · Une information simple et progressive, petit à pet it, « digérable », au pas à pas, respectueuse des mécanismes d™adaptation de chacun et d™un temps d™intégration indispensable (1,5) . · Une information répétée. · Une information cohérente, une communication sincè re et vraie : ne rien dire qui ne soit vrai. · Une attention particulière à la formulation, aux m ots prononcés, éviter le jargon d™expert. · Un contrôle régulier de la compréhension et une re formulation si nécessaire. · L™ouverture vers un espoir réaliste. · La proposition d™objectifs à court terme. · Aider à construire de nouveaux projets de vie (eff et fondateur du temps initial). Proposer ou aider la personne à trouver une success ion de projets ou d’étapes (étapes du traitement, projets personnels, projets familiaux–) qui lui permettent de se projeter dans sa vie future quelle qu’elle soit. Le patient comme le médecin ont besoin d’avoir une perspective pour aller de l™avant ; il faut toujours tenter d’é largir la palette des possibles. Il faut toujours accompagner le patient en élaborant avec lui un pro jet de vie même si, d’un point de vue médical, il n’y a, semble-t-il, plus rien à propose r sur un plan thérapeutique à visée strictement curative (effet structurant). L’important c’est ce qui est compris, pas ce qui es t dit. L’objectif est d’adapter l’information transmise à ce dont le patient a besoin à ce moment-là. Toujours se rappeler que ce qui est dit n’est pas ce qui est entendu par le patient et avoir à l’esprit que c’est le patient qu i montre la voie à suivre.

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– Annoncer une mauvaise nouvelle – 11 Service Evaluation des Pratiques Œ Février 2008 VI.4. Le suivi de l™annonce (10) À l™issue d™une consultation ou d™un moment d™annon ce : Des documents d™information peuvent être remis au patient. Il est indispensable d™assurer au patient un inter locuteur pour répondre à ses questions dans les jours qui suivent. Le médecin peut propose r une seconde consultation et/ou les coordonnées des soignants à contacter. Avec l™accord du patient, le médecin peut échanger avec les autres professionnels de la prise en charge (notamment le médecin traitant). Une aide psychologique et/ou sociale peut être pro posée si besoin, ainsi que les coordonnées d™associations de malades. La retranscription du contenu de la consultation ( information donnée, formulation, questions, émotions provoquées) est une nécessité. Contenue dans le dossier du patient, accessible à l™ensemble des professionnels interven ant dans la prise en charge, elle en permet, en particulier, la coordination sur le plan de l™information.

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