La concurrence favorise-t-elle les gains de productivité ? Une analyse sectorielle dans les pays de l’OCDE. Romain Bouis et Caroline Klein*.
111 KB – 28 Pages
PAGE – 1 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200873* Mission d™analyse macroéconomique des politiques économiques de la DGTPE (MINEIE).Cet article n™engage que ses auteurs et ne re˜ète pas la position de la DGTPE. ÉCONOMIELa concurrence favorise-t-elle les gains de productivité ? Une analyse sectorielle dans les pays de l™OCDE Romain Bouis et Caroline Klein* Dans quelle mesure les différences internationales de gains de productivité horaire du travail au niveau sectoriel peuvent-elles s™expliquer par des différences d™intensité concurrentielle au sein des secteurs ? Les résultats d™une étude menée au niveau sec -toriel au sein d™un ensemble de pays de l™OCDE et évaluant le degré de concurrence à partir de markups estimés économétriquement, indiquent la présence d™une relation non linéaire entre concurrence et gains de productivité du travail. Une augmentation de la concurrence serait béné˜que à la croissance de la productivité dans les secteurs où la concurrence est faible, mais néfaste au-delà d™un certain seuil. Ce dernier effet négatif paraît cependant fragile : le degré de concurrence n™a pas d™effet signi˜catif sur les gains de productivité lorsque l™échantillon d™analyse comprend uniquement les secteurs les plus concurrentiels. Ainsi un accroissement de la concurrence augmenterait la produc -tivité dans les secteurs peu concurrentiels mais serait sans effet sur les secteurs les plus concurrentiels. Par ailleurs, l™effet de la concurrence sur les gains de productivité diffère selon le type de secteur. Dans les secteurs manufacturiers, caractérisés en moyenne par une concur -rence et des coûts irrécouvrables relativement élevés, une intensi˜cation de la concur -rence conduirait à un ralentissement des gains de productivité. Comme le suggère la Commission européenne (Roeger et al. , 2008), des marges suf˜samment élevées seraient nécessaires pour stimuler l™innovation dans ces secteurs. En revanche, dans les services, où les coûts irrécouvrables sont moins présents et la concurrence relativement faible en moyenne, un accroissement de la concurrence favoriserait toujours les gains de produc -tivité. Une étude approfondie du rôle de la recherche-développement et plus généralement des coûts irrécouvrables, devrait compléter cette analyse a˜n de mieux comprendre les raisons de l™opposition entre services et secteurs manufacturiers dans la relation entre concurrence et gains de productivité.
PAGE – 2 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200874La concurrence sur les marchés des pro -duits est souvent évoquée comme un fac -teur de croissance économique (1). Accroître la concurrence dans un secteur permettrait en effet d™augmenter l™activité et l™emploi en abaissant le prix de vente des produits (2) mais aussi en améliorant la productivité du secteur grâce à des « gains statiques » agissant sur le niveau de la productivité et à des « gains dynamiques » aug -mentant son taux de croissance (3).Les gains statiques de la concurrence découlent d™une part d™une meilleure réallocation des res -sources rares (ef˜cacité allocative) et d™autre part d™une amélioration de l™utilisation des facteurs de production des entreprises (ef˜ca -cité productive) (4). Les gains dynamiques, qui apparaissent à plus long terme et ont des effets persistants, résultent d™une plus grande incita -tion des ˜rmes à innover et à converger vers la frontière technologique, voire la déplacer. L™existence de gains statiques ne fait guère l™ob -jet de controverse. À l™inverse, de vifs débats opposent depuis plusieurs années les tenants de l™hypothèse d™ef˜cience dynamique de la concurrence à un courant insistant sur l™impor -tance des rentes de monopole pour inciter les ˜rmes à innover, et dont l™origine remonte à Schumpeter (1942).Ces deux courants sont réconciliés par Scherer (1967) et plus récemment par Aghion et al. (2005) ainsi que par Askenazy et al. (2008) qui mettent en évidence la présence d™une rela -tion empirique en forme de U inversé entre la concurrence et l™innovation : une augmentation de la concurrence serait initialement béné˜que à l™innovation mais néfaste au-delà d™un certain niveau de concurrence (5).Pour autant, de nombreuses études empiriques concluent à un effet positif de la concurrence sur le niveau comme sur la croissance de la productivité. À partir de données d™entreprises du Royaume-Uni, Nickell (1996) et Disney et al. (2000) montrent que certains indicateurs de concurrence (mesure du pro˜t, concentration, parts de marché et ouverture internationale) expliquent positivement et signi˜cativement les gains de productivité. De la même manière, Okada (2005) trouve pour un échantillon de ˜rmes japonaises de secteurs manufacturiers qu™une amélioration de la concurrence (dé˜nie comme une diminution du ratio de marge au niveau du secteur) favorise la croissance de la productivité. En˜n, Lelarge et Nefussi (2008) montrent que la concurrence des pays du Sud a entraîné d™importantes dépenses en R&D en France, particulièrement dans les entreprises les plus productives. 12345Les études macroéconomiques aboutissent à des conclusions identiques. Pilat (1996) avance que certaines variables proxy du degré de concurrence (ouverture aux importations, taux d™entrée) peuvent en partie expliquer les écarts de productivité entre les États-Unis et l™Europe sur la période 1987-1993. L™impact positif de la concurrence sur le niveau de productivité est con˜rmé par Baily et Zitzewitz (2000). De même, Gordon (2004) attribue une partie des divergences d™évolution du taux de croissance de la productivité entre les États-Unis et l™Eu -rope à des différences de niveaux de concur -rence. Par ailleurs, Nicoletti et Scarpetta (2005) trouvent une relation signi˜cative et positive entre les indicateurs de dérèglementation des marchés des produits et les performances éco -nomiques des pays étudiés, notamment la pro -ductivité globale des facteurs. L™objectif est ici double. Il s™agit d™une part d™étudier dans quelle mesure les différences internationales de gains de productivité d™un même secteur s™expliquent par des différences d™intensité concurrentielle et d™autre part, de tester économétriquement la présence éven -tuelle d™une relation non linéaire entre gains de productivité et concurrence. Précisons bien qu™il ne s™agit pas de tester spéci˜quement le modèle microéconomique d™Aghion et al. (2005), qui fournit une explication théorique parmi d™autres à la relation en U inversé, mais simplement d™étudier la présence d™une telle relation au niveau sectoriel. L™échantillon d™analyse est composé de 11 pays de l™OCDE et d™une vingtaine de secteurs manu -facturiers et de services. Le degré de concur -rence au niveau de chaque secteur est évalué à partir d™une estimation économétrique des markups selon la méthode proposée par Roeger (1995). Le taux de croissance annuel moyen 1. FMI (2007) et MINEIE (2007).2. Pour une évaluation de ces effets, voir par exemple Bouis (2008).3. Cf. OCDE (2002), Commission européenne (2004) et Nicodeme et Sauner-Leroy (2007). 4. Dans un environnement concurrentiel, les ˚rmes sont en effet incitées à utiliser leurs ressources productives de façon plus rationnelle, réduisant « l™inef˚cience X » (Leibenstein, 1966).5. Aghion et al. (2005) développent un modèle microéconomi -que montrant que des entreprises au sein d™un même secteur réagissent différemment à une intensi˚cation de la concurrence selon leur position par rapport à la frontière technologique et le niveau initial de la concurrence. Askenazy et al. (2008) montrent en outre que la concurrence a un effet limité sur les entreprises de taille relativement petite.
PAGE – 3 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200875de la productivité horaire du travail de chaque secteur enregistré sur la période 1993-2004 est régressé sur le markup du secteur ainsi que sur plusieurs variables de contrôle telles l™écart de productivité par rapport au pays leader en 1992, le taux de croissance annuel moyen des heures travaillées par travailleur ainsi que des effets ˜xes pays et secteurs. L™analyse présentée ici se démarque de la lit -térature existante pour au moins deux raisons. Premièrement, elle exploite des données sec -torielles : à notre connaissance, peu d™études traitent de la relation entre concurrence et pro -ductivité au niveau sectoriel (6). Pourtant, une analyse sectorielle permet de prendre en compte l™hétérogénéité du tissu productif tout en conser -vant la possibilité d™une comparaison interna -tionale. De plus, ce type d™étude permet d™iden -ti˜er spéci˜quement l™effet de la concurrence sur les performances des secteurs, en ignorant l™impact de la concurrence sur la composition sectorielle de l™économie.Deuxièmement, le facteur de marge ( markup ) estimé économétriquement est considéré comme indicateur de concurrence. La plupart des études macroéconomiques ou sectorielles recourent à des indicateurs de moyens et non de résultats (comme les indicateurs de règlementa -tion de l™OCDE). Le markup , rapport entre prix et coût marginal, permet d™évaluer le degré de concurrence prévalant effectivement dans les différents secteurs. La disponibilité des données sectorielles et l™estimation des markups conditionnent les choix méthodologiques En raison de la disponibilité et de la nature des données sectorielles (cf. encadré 1) 21 secteurs (12 secteurs manufacturiers et 9 secteurs de ser -vices) et 11 pays sont retenus dans notre échan -tillon d™analyse. Les données ici utilisées présentent un certain nombre de limites. D™une part, elles sont extrai -tes de la première version de la base EU KLEMS, la version révisée plus récente et plus ˜able n™étant pas disponible au moment de la réalisa -tion de l™étude. D™autre part, de manière géné -rale et dans EU KLEMS en particulier, certaines conventions comptables peuvent introduire des erreurs de mesure non négligeables. Le traitement comptable du travail intérimaire par exemple, introduit un biais dans la mesure des gains de productivité. En effet, dans cer -tains pays, le travail intérimaire est classé dans la branche « services aux entreprises » et non dans les branches utilisatrices. Cette convention comptable conduit à surestimer les gains de pro -ductivité dans les secteurs utilisateurs lorsque le recours à l™intérim augmente. Pour la France, Gonzalez (2002) montre que la croissance de la productivité est sous-estimée dans les services de 0,2 point et surestimée dans l™industrie entre 0,5 et 1 point entre 1996 et 2000 en raison de cet artefact statistique. La productivité devrait donc être mesurée en ventilant les emplois intérimai -res aux secteurs utilisateurs, ce qui n™est pas le cas dans la base EU KLEMS (7).6 7 8Le partage « volume-prix » pose également problème. La mesure des volumes consiste par -fois, notamment dans les services, à évaluer les dé˚ateurs en fonction des coûts de production, particulièrement du coût du travail. Lorsque les indices de prix sont construits à partir du coût salarial, la productivité calculée comme le ratio valeur ajoutée sur heures travaillées est propor -tionnelle à la part des salaires dans la valeur ajoutée (8). Cette mesure de la productivité du travail évalue donc à la fois l™évolution du par -tage de la valeur ajoutée entre capital et travail et l™évolution de l™ef˜cience productive du tra -vail. Comme la répartition de la valeur ajoutée dépend du niveau de concurrence, il n™est pas possible de distinguer les effets de la concurrence sur la rémunération relative des facteurs, de ses effets positifs sur le potentiel de croissance. Par exemple, une augmentation de la concurrence conduirait à une hausse de la part des salaires dans la valeur ajoutée et se traduirait par une baisse comptable de la productivité du travail (Insee, 2004). Le partage « volume-prix » peut donc expliquer certains résultats contre-intui -tifs. Les problèmes de partage « volume-prix » se concentrent dans les secteurs des services, 6. Une exception concerne une étude de la BCE (2006) sur les déterminants de la productivité du travail dans les services mar -chands non ˚nanciers qui montre que le niveau de réglemen -tation (mesuré par les indicateurs sectoriels de règlementation développés par l™OCDE) a un impact négatif sur la croissance de la productivité du travail. Les résultats de l™étude diffèrent tou -tefois selon les secteurs considérés (par exemple, l™impact de l™indicateur de concurrence sur la croissance de la productivité du travail n™est pas statistiquement signi˚catif dans les secteurs de l™hôtellerie-restauration ou de l™immobilier) et l™indicateur du degré de concurrence paraît contestable. 7. Dans EU KLEMS, le travail intérimaire ne fait pas l™objet d™un traitement particulier. Les conventions comptables n™ont pas été harmonisées sur ce point. 8. avec la pro ductivité par tête, VA la valeur ajoutée, P l™indice des prix, E l™emploi, W le coût du travail, Txmrge l™inverse de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
PAGE – 4 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200876Encadré 1SOURCES ET VARIABLE SLes données sectoriellesLes données sectorielles proviennent de la base EU KLEMS. Cette base de données a été construite par le Groningen Growth and Development Centre de l™université de Groningen (Pays-Bas) et ˜nancée par la Commission européenne dans le but d™analy -ser les déterminants de la croissance et de la pro -ductivité des pays membres de l™UE à un niveau sectoriel détaillé grâce à un travail d™harmonisation des données nationales. Elle couvre 27 pays (pays membres de l™Union européenne, Japon et États- Unis) et 71 secteurs (nomenclature NACE révision 1) sur la période 1970-2004. La base EU KLEMS est disponible à l™adresse suivante : http ://www. euklems.net.Des données sectorielles sont également disponibles dans la base STAN de l™OCDE en général jusqu™en 2002, mais certaines variables nécessaires à l™analyse (les services du capital et les heures travaillées) ne sont disponibles que pour un nombre très limité de pays. Les données macroéconomiques Les données macroéconomiques utilisées dans l™ana -lyse sont issues de la base AMECO et de différentes bases de l™OCDE. La base AMECO est construite par la Commission européenne à partir des données d™Eurostat. Elle couvre les 27 pays de l™UE ainsi que les autres pays de l™OCDE. Cette base est disponible à l™adresse suivante :http ://ec.europa.eu/economy_˜nance/db_indicators/ db_indicators8646_en.htm.La part des dépenses en TIC dans le PIB est issue de la base de données de l™OCDE sur la productivité. Les indicateurs Product Market Regulation (PMR) et Employment Protection Legislation (EPL) sont éga -lement construits par l™OCDE : l™élaboration de ces indicateurs est détaillée dans les articles suivants : Conway et al. (2005) et OCDE (2004). L™ensemble des séries provenant des bases de l™OCDE est disponible sur le navigateur web OECD.stat. (http ://webnet.oecd.org/wbos/index.aspx). La sélection des paysL™échantillon couvre 11 pays : l™Autriche, la Belgique, le Danemark, l™Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l™Italie, le Japon, les Pays-Bas et le Royaume- Uni. Ces pays, dont les niveaux de productivité sont relativement proches, ont été sélectionnés a˜n de limi -ter les problèmes liés à l™hétérogénéité des paramètres et de rendre les résultats des estimations interpréta -bles. Aussi la Pologne, la République Tchèque et la Slovénie ont été exclues de l™échantillon. L™Allemagne et la Suède sont également écartées, en raison de l™absence de données sur les markups dans la décen -nie 1980.La sélection des secteursLes données nécessaires à la construction des varia -bles sont disponibles sur des périodes plus ou moins longues selon les pays et les secteurs. En général, les chances de disposer des données pour tous les pays sont plus faibles à un niveau de détail ˜n. D™un autre côté, considérer les secteurs à un niveau trop agrégé peut conduire à des écarts internationaux de produc -tivité qui ne tiennent qu™à des effets d™agrégation sans contenu économique en raison de différences de com -position des activités du secteur selon les pays (tel est par exemple le cas du secteur Cokéfaction, fabrica -tion de produits pétroliers raf˜nés et de combustibles nucléaires). Les secteurs sont donc sélectionnés au niveau le plus désagrégé possible, sous contrainte que les données nécessaires à l™estimation de markups soient dispo -nibles pour l™ensemble des pays depuis le début des années 1980. Les secteurs des services non mar -chands, de l™agriculture, des activités immobilières et des services ˜nanciers sont exclus de l™analyse a˜n de limiter les erreurs de mesure et de garantir des résul -tats interprétables, leurs principes de comptabilité différant de ceux prévalant pour les autres secteurs. Le secteur des activités immobilières est également exclu, les variations de la productivité de ce secteur étant dif˜cilement interprétables. En effet, dans ce secteur, la valeur ajoutée est constituée pour une part importante des loyers imputés, y biaisant la mesure de la productivité du travail. 21 secteurs dont 12 sec-teurs manufacturiers et 9 secteurs de services sont ˜nalement retenus. Les services sont ici dé˜nis au sens large : ils incluent notamment les secteurs de la production et distribution d™électricité, de gaz et d™eau, de la construction, de la distribution, des services aux entreprises et aux particuliers. La sensibilité des résultats à la composition sectorielle de l™échantillon est testée en supprimant des données les services aux entreprises, les postes et télécommu -nications et la production et distribution d™électricité, de gaz et d™eau. Le secteur des services aux entreprises doit en effet être traité avec précaution du fait de l™ex -ternalisation de nombreuses activités du secteur manu -facturier vers le secteur des services aux entreprises sur la période d™observation (plusieurs activités de ce secteur Œ activités de restauration, de recherche-déve -loppement Œ autrefois internes aux entreprises manu -facturières étaient classées dans le secteur manufactu -rier jusqu™à leur externalisation dans les années 1980 et 1990). Les secteurs des postes et télécommunications et de la production et distribution d™électricité, de gaz et d™eau ont pour leur part connu d™importantes muta -tions sur la période d™étude et se distinguent des autres en termes de niveau de concurrence. La construction des variables sectoriellesLe taux de croissance annuel moyen de la productivité horaire du travail par travailleur est dé˜ni comme le
PAGE – 5 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200877Encadré 1 (suite)taux de croissance annuel moyen du ratio valeur ajou -tée / nombre annuel d™heures travaillées par travailleur pour chaque secteur. L™écart de productivité avec le pays leader pour un secteur et un pays donnés est calculé comme le rap -port entre le niveau maximal de productivité de ce secteur en 1992 (soit la productivité horaire du travail exprimée en parité de pouvoir d™achat (PPA) la plus élevée en 1992 (pays leader) au sein d™un groupe de 13 pays sélectionnés) et le niveau de productivité du secteur dans le pays en question.Le taux de croissance annuel moyen des heures tra -vaillées par travailleur pour chaque secteur et chaque pays est calculé à partir d™une variable directement disponible dans la base EU KLEMS (cf. tableau).L™indice de Lerner B et le markup qui lui est asso -cié sont issus d™une estimation économétrique, dont la méthodologie est présentée dans l™encadré 2 et fait intervenir des variables sectorielles (la production en valeur, la part de la rémunération du travail dans la production Œ calculée à partir du nombre total de travailleurs, du nombre de salariés et de la masse salariale Œ la part des consommations intermédiaires dans la production, l™indice en volume des services du capital) et des variables macroéconomiques (le taux d™intérêt réel de long terme, le dé˚ateur de la FBCF pour l™ensemble de l™économie).Tableau Variables des bases EU KLEMS, AMECO et OCDE utilisées dans l™étudeSectorielleDescriptionSource ouiIndice en volume des services du capital (base 100 en 1995)EU KLEMSouiMasse salariale (millions, monnaie nationale)EU KLEMSouiNombre de travailleurs (milliers) EU KLEMSouiNombre de salariés (milliers) EU KLEMSouiProduction en valeur (millions, monnaie nationale) EU KLEMSouiIndice des prix de production (base 100 en 1995) EU KLEMSouiNombre d™heures travaillées par travailleur (millions) EU KLEMSouiConsommations intermédiaires au prix courant des acheteurs EU KLEMSnonDé˚ateur de la FBCF pour l™ensemble de l™économieAMECOouiParité de pouvoir d™achat sectorielle (en monnaie nationale par euro allemand, 1997) EU KLEMSouiValeur ajoutée à prix courant (millions, monnaie nationale) EU KLEMSouiValeur ajoutée en volume, base 100 en 1995 EU KLEMSouiPart des heures travaillées par les travailleurs hautement quali˜és dans le volume horaire total EU KLEMSouiPart des salaires des travailleurs hautement quali˜és dans la masse salariale totale EU KLEMSouiPart des heures travaillées par les 15-29 ans dans le total des heures travaillées EU KLEMSouiPart des heures travaillées par les 30-49 ans dans le total des heures travaillées EU KLEMSouiPart des heures travaillées par les plus de 50 ans dans le total des heures travaillées EU KLEMSnonTaux d™intérêt réel de long terme AMECOnonPart des dépenses en TIC de l™économie dans le PIBOCDEnonIndicateur Product Market Regulation (PMR)OCDEnonIndicateur Employment Protection Legislation (EPL)OCDEparticulièrement dans les secteurs non mar -chands, le secteur ˜nancier et le secteur des ser -vices aux entreprises où l™observation des prix de vente est dif˜cile (9). Selon l™OCDE (1996), dans certains pays, les prix dans les secteurs « transport et entreposage », « poste et télécom -munication » et « commerce et distribution » sont mesurés par des méthodes indirectes par le coût des entrants notamment. Les secteurs non marchands et le secteur ˜nancier sont exclus de l™analyse et la sensibilité des résultats à la pré -sence dans l™échantillon des secteurs présentant des erreurs de mesure est testée. 9En˜n, l™estimation des markups nécessite de calculer le résidu de Solow (cf. encadré 2) et donc de mesurer le ˚ux des services produits par le capital. Cette série est construite dans EU KLEMS à partir de nombreuses hypothè -9. Cf. OCDE (1996) et Eurostat (2001).
PAGE – 6 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200878Encadré 2LA MÉTHODE D™ESTIMATION DES FACTEUR S DE MARGE DE ROEGER (1995)Le facteur de marge (ou markup) est évalué pour cha -que secteur en utilisant la méthode développée par Roeger (1995) détaillée ici.Le coût marginal d™une ˜rme peut être exprimé comme suit :où Q est la valeur ajoutée (réelle), W, le salaire, R le coût du capital et le taux du progrès technique. De l™expression du coût marginal, on déduit et on transforme comme suit :.Soit : Lorsque les rendements d™échelle sont constants, les parts du capital et du travail dans la valeur ajoutée ont pour somme l™unité. Le markup est dé˜ni par le rapport entre le prix de la valeur ajoutée P et le coût marginal Cm (µ = P / Cm). En notant = WL / PQ, on obtient :En soustrayant des deux côtés de l™équation et en réarrangeant, on obtient le résidu de Solow :Le résidu de Solow peut se réécrire en fonction de l™in -dice de Lerner noté Bavec : soit :Le résidu de Solow représente l™excès de la croissance de la production relativement à celle des facteurs de production (pondérés par leur importance dans la fonc -tion de production). En situation de concurrence par -faite ( B = 0), le résidu de Solow est indépendant du taux de croissance du ratio production / capital et est égal au taux du progrès technique . Dans la réa -lité, cette propriété, connue sous le nom de propriété d™invariance du résidu de Solow, n™est pas observée. En effet, comme le rappellent Oliveira Martins et al. (1996a), le résidu de Solow mesuré dans les périodes d™expan -sion est supérieur au résidu observé dans les années de récession, probablement à cause de la violation de l™hypothèse de concurrence parfaite ( B > 0).Roeger (1995) montre qu™une expression équivalente peut être obtenue pour un résidu de Solow basé sur les prixCe résidu « basé sur les prix » représente l™excès de croissance du coût unitaire relativement à celle des prix.En soustrayant RS_P de RS et en ajoutant un terme d™erreur, on obtient une expression permettant d™es -timer Byt = Bxt + t ,oùest le résidu de Solow nominal etest le taux de croissance du ratio production/capital nominal. L™intérêt de cette méthode est que les prix et les volumes peuvent être groupés si bien que seules les variables nominales sont nécessaires pour l™esti -mation.Il est possible d™étendre la démarche en incorporant les consommations intermédiaires. Dans ce cas, le markup se dé˜nit comme le ratio entre le coût mar -ginal et le prix de production, et non plus le prix de la valeur ajoutée. La variable dépendante et les variables explicatives deviennent :avec Qprod la production, Pprod le dé˚ateur de la pro -duction, prod la part de l™emploi dans la production,
PAGE – 8 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200880marginal de production, l™indice de Lerner i,j est nul et le markup est égal à 1.Le markup est évalué à partir de la méthode de Roeger (1995) (cf. encadré 2). Les résultats des estimations de markups par pays et par secteur sont reportés en annexe 1 (tableaux A et B).Le choix de la période d™estimation du markup a son importance, les markups étant sensibles au cycle économique, les entreprises ayant ten -dance à augmenter leurs marges en période de bonne conjoncture et à les comprimer lorsque les conditions économiques sont moins favorables. On retient ici les périodes d™estimation utilisées par Christopoulou et Vermeulen (2008), soit 1981 – 1992 et 1993 – 2004, qui correspondent en général à des cycles de conjoncture complets pour l™ensemble des pays de l™échantillon. Par ailleurs, le markup est sensible aux erreurs de mesure susceptibles de biaiser l™estimation. L™existence de rendements d™échelle croissants peut également conduire à sous-estimer l™indice de Lerner (12).12Malgré ces limites, deux raisons nous condui -sent à retenir le markup estimé comme indi -cateur de concurrence. D™une part, le markup semble en général re˚éter assez ˜dèlement les réalités concurrentielles des secteurs (Oliveira Martins et al. , 1996a, Przybyla et Roma, 2005, Christopoulou et Vermeulen, 2008). D™autre part, les autres indicateurs de concurrence exis -tants ne semblent pas adaptés à l™analyse secto -rielle de la productivité (cf. encadré 3).12. Cf. Oliveira Martins et al. (1996a).Encadré 3PERTINENCE DES MARKUPS ESTIMÉS : CONFRONTATION À DIVERS ÉLÉMENTS FACTUEL S ET AUX INDICATEUR S ALTERNATIF SLe markup estimé semble être un bon indicateur de concurrence Au regard des éléments factuels dont on dispose, le markup estimé semble être un bon indicateur de concurrence :pour la majorité des pays et des secteurs, l™hypo – -thèse d™absence de marges est rejetée, les markups étant en général signi˜cativement supérieurs à un ;en accord avec l™idée selon laquelle les biens manu – -facturés sont davantage exposés à la concurrence internationale que les services, les facteurs de marge dans les services sont en moyenne plus élevés que les facteurs de marge dans les secteurs manufacturiers ;les estimations indiquent une diminution de la -concurrence dans certains secteurs en France à partir du milieu des années 1990 comme le sec- teur du commerce de détail ou l™hôtellerie et restau -ration. Ces résultats sont tout à fait cohérents avec les éléments connus sur les effets des lois Galland et Raffarin (cf. par exemple Borsenberger et Doisy, 2006) ;les comparaisons internationales des -markups au niveau sectoriel sont également cohérentes avec les résultats d™études s™intéressant aux intensités concur -rentielles relatives (cf. Oliveira Martins et al., 1996b).Notons par ailleurs que les markups estimés ici avec la base EU KLEMS conduisent globalement à des résul -tats similaires à ceux obtenus à partir de la base STAN concernant l™évolution dans le temps des marges des secteurs, le classement du degré de concurrence des pays pour un secteur donné ou celui des secteurs au sein d™un même pays.Les autres indicateurs présentent de nombreuses limitesLes indicateurs alternatifs de concurrence paraissent peu satisfaisants :les indices de concentration (indice d™Her˜ndahl -par exemple) ne représentent pas forcément de bons indicateurs de concurrence en particulier dans les sec -teurs soumis à la concurrence internationale (dans ce cas les données sont rarement disponibles pour un marché donné) ou dans les secteurs où les coûts d™en -trée sont faibles (théorie des marchés contestables) ;les indices de concurrence sur les marchés des -biens de type PMR ( Product Market Regulation ) ne sont disponibles que pour un nombre limité de sec -teurs et sont davantage des indicateurs de moyens que de résultats. Ils conduisent dans certains cas à des diagnostics qui ne semblent pas correspondre à la réalité concurrentielle des secteurs. Ainsi le cas du commerce de détail illustre assez bien nous semble- t-il la faiblesse des indicateurs PMR pour mesurer le degré de concurrence en vigueur dans un secteur. Selon les estimations de markups, l™Allemagne est le pays où le secteur du commerce de détail af˜che le markup le plus bas sur la période d™estimation 1993-2004 au sein d™un échantillon de treize pays de l™OCDE. Le secteur du commerce de détail est en effet reconnu pour être particulièrement concurrentiel en Allemagne (cf. par exemple Christopherson, 2007, ou Christopoulou et Vermeulen, 2008). Ces derniers notent que « les spécialistes décrivent habituellement le secteur du commerce de détail comme plus concur -rentiel aux États-Unis que dans la moyenne de la zone euro, à l™exception de l™Allemagne où le secteur du commerce de détail est traditionnellement considéré
PAGE – 9 ============
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419-420, 200881D™autres déterminants de la productivité horaire du travail, comme l™écart à la frontière technologique, sont pris en compteLes principaux déterminants de la productivité du travail identi˜és dans la littérature, outre le degré de concurrence, sont l™écart de producti -vité avec le pays leader (ou écart à la frontière technologique), les heures travaillées, la compo -sition de la main-d™œuvre, l™investissement en TIC et le degré de réglementation du marché du travail. Ces variables sont intégrées à la régres -sion comme variables de contrôle. L™écart de productivité avec le pays leader Pour chaque année de la période d™étude et chaque secteur, on identi˜e le pays dont la pro -ductivité horaire du travail exprimée en parité de pouvoir d™achat (PPA) (13) est la plus éle -vée (pays leader) au sein du groupe des 13 pays sélectionnés. L™écart de productivité avec le pays leader est ensuite calculé comme le rap -port entre le niveau maximal de productivité et le niveau de productivité de chaque secteur dans chaque pays pour chaque année. Cette mesure semble cohérente avec les comparaisons inter -nationales des niveaux de productivité du début des années 1990 (cf. par exemple Pilat, 1996). En particulier, en 1992, les États-Unis apparais -sent comme un pays leader dans le secteur de la fabrication d™équipements de transport et la Belgique dans le secteur du commerce.L™écart de productivité avec le pays leader observé en début de période, soit 1992, doit expliquer positivement l™évolution de la pro -ductivité sur la période d™étude en raison d™un phénomène de rattrapage. Effectivement les écarts de productivité au pays leader en 1992 sont positivement corrélés aux gains de produc -tivité du travail enregistrés entre 1993 et 2004 (cf. graphique I). 13Les investissements en TIC Les études macroéconomiques des déterminants de la productivité mettent en évidence l™impor -tance des investissements en technologies de l™information et de la communication (TIC) pour expliquer les différences internationales de niveaux ou de taux de croissance de producti -vité du travail (cf. par exemple Gust et Marquez, 2002). Les données relatives aux dépenses en 13. Au niveau sectoriel, on ne dispose que de la PPA en 1997, en devise nationale par euro allemand. La PPA pour les années suivantes (antérieures), est calculée en extrapolant (rétropolant) la valeur de 1997 avec les indices de prix sectoriels respectifs des pays.Graphique ICorrélation entre écarts de productivité au pays leader en 1992 et gains de productivité du travail entre 1993 et 2004 Écart de productivité au pays leader (1992)4003002001000- 100- 200- 300- 8 %- 6 %- 4 %- 2 %0 %2 %4 %6 %8 %10 %12 %Taux de croissance annuel moyen de la productivité du travail (1993-2004)Lecture : variables centrées par rapport à la moyenne du sec -teur. Champ : ensemble de l™échantillon (21 secteurs dans 11 pays de l™OCDE soit 231 observations). Source : calculs des auteurs à partir des données de la base EU KLEMS et AMECO.Encadré 3 (suite)comme très concurrentiel (le retrait du géant américain Walmart du marché allemand après plusieurs années de pertes, dues à la concurrence des discounters allemands, en est une autre preuve –) » (« observers traditionally describe the US retail trade to be much more competitive than the average euro area, with the exception of Germany where the retail trade is tradi -tionally seen to be very competitive (other evidence of that is that the US giant Walmart had to withdraw from the German market after many years of losses. It had trouble competing with the German deep discoun -ters–) »). Pourtant, la valeur de 2003 du PMR « retail » classe l™Allemagne en neuvième position des pays les moins réglementés de l™échantillon. De la même manière, la Belgique fait partie des pays où les PMR « retail » sont les plus élevés alors que le markup du commerce de détail y est relativement faible ;en˜n, l™indice de Lerner approximé par le rapport -entre l™excédent brut d™exploitation net des dépen -ses en capital et le chiffre d™affaires, est évalué en général à partir de données d™entreprise (Nickell et al., 1992, Nickell, 1996, et Okada, 2005) qui ne sont pas disponibles au niveau international. La construc -tion de cet indice au niveau sectoriel nécessiterait de disposer de la série du stock de capital pour chaque secteur en niveau, série absente de la base de don -nées EU KLEMS. Notons également que dans le cas d™erreurs de mesure sur le partage « volume-prix » évoquées dans le texte, l™indice de Lerner est néces -sairement corrélé à la productivité du travail.
111 KB – 28 Pages