du vrai est ainsi à la vérité ce que l’attribut du faux est au mensonge. 31 « Le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou
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N°8© Avril 2015La sanction juridique du mensonge politiqueProposition de droit comparé dans le tempsÉlise FrêlonÉlise Frêlon, faculté de Droit de Poitiers RésuméEn droit français, des actions en justice permettent soit d™engager la responsabilité des menteurs, soit de les condamner. Mais qu™en est-il des hommes politiques ? Ceux-ci ne sont-ils pas tenus à la même obligation de véracité que leurs concitoyens, et même davantage du fait des hautes responsabilités qui sont les leurs ?Or, trop souvent en politique le mensonge reste impuni. Pourtant le droit comparé dans le temps nous permettrait de punir fermement les mensonges qui pourraient fort bien être utilisées. Leur existence et plus encore leur reconnaissance en tel ou tel droit positif Œ présent ou passé Œ témoigne de leur réalisme. Telles sont notamment les infractions de dol, infamie, parjure qui permettraient de condamner en justice un homme politique avéré menteur à la rupture de son mandat et/ou à la perte de son droit d™être tant éligible qu™électeur.Légaliser la perte de ces droits (d™élection, d™éligibilité) comme étant la sanction du mensonge du représentant dans sa fonction de représentation serait ainsi un véritable moyen juridique d™institutionnaliser la punition du mensonge en politique.Elise Frêlon-Allonneau est maître de conférences en Histoire du Droit à l™université de Poitiers. Elle est l™auteur de Le Parlement de Bordeaux et la « loi » (1451 – 1547), Paris, De Boccard, Collection Romanité et Modernité du Droit, 2011 ; ainsi que de nombreux articles et communications en histoire du droit. Édité par l™Institut pour la JusticeAssociation loi 1901Contacts : 01 70 38 24 [email protected]
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La sanction juridique du mensonge politiqueTribune libre Avril 2015 Œ Page 3INTRODUCTIONDire la vérité est une chose, sanctionner le mensonge en est une autre. Toutefois, vérité et mensonge sont inexorablement liés puisque, 1, le mensonge est « propos contraire à la vérité, tenu avec le dessein de tromper »2. C™est donc par confrontation avec la vérité que le mensonge se révèle dans toute son inversion. L™attribut du vrai est ainsi à la vérité ce que l™attribut du faux est au mensonge. Pour autant, le mensonge ne saurait se résumer à cette simple 3 Œ et ce, « avec le dessein de tromper »4. À cet endroit, le mensonge se distingue de l™erreur, elle aussi contraire à la vérité, mais commise sans la volonté de tromper. Aussi est-il nécessaire de dissocier, en termes de sanctions juridiques, la sanction de l™erreur (propos contraire à la vérité ou « faux ») de la sanction du mensonge (faux établi avec le dessein de tromper, en connaissance et conscience du vrai).Si la question juridique se pose de pénaliser un tel faux perpétré avec le dessein de tromper (ou mensonge), elle est exacerbée en politique5 6. Toutefois, avant de concevoir les modalités de telles sanctions, leur « comment » (comment, en droit, rendre justice aux victimes des menteurs ?), il peut être opportun de s™interroger sur leur nécessité, leur « pourquoi » (pourquoi punir le menteur coupable ?). Les réponses à cette question dépendant de la discipline dans laquelle elle est posée (artistique, économique, éthique, juridique, philosophique, politique, des spécialistes de la discipline dans laquelle s™emploie le terme Œ est invariable. Le sens des mots n™est pas soumis à quelque évolution que ce soit, les mots et leur sens ne changent pas sauf altération (littéralement sauf à les rendre autres (lat. alter) ce qui, en soi, consiste en une À l™usage, on peut changer de mot e siècle) au latin d™un mot. C™est un composé de de- (aboutissement du procès) et de dès les premiers textes au sens de faire connaître ce qu™est une chose, la préciser », le verbe a Dictionnaire historique de la langue française, A. Rey (dir.), 4e2 Dictionnaire de l™Académie Française , 9e édition (en cours), v° « Mensonge ».3 Le mensonge se profère, il est parole et ne saurait être commis par omission. Telle est du moins que mentir. Car bien que celui qui ment veuille cacher la vérité, cependant quiconque veut cacher la vérité ne ment pas pour cela. En effet le plus souvent c™est par le silence, et non par qui est vrai, mais à exprimer ce qui est faux. », Saint Augustin, Contra mendacium „uvres complètes de Saint Augustin , traduites pour la première fois en français sous la direction ne point contribuer à sa propre accusation ») contemporain établi par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l™homme (Cour EDH 25 février 1993, Funke c. France ; Cour EDH 8 février 1996, John Murray c. Royaume- Uni) sur le fondement de l™article 6 de la Convention européenne des droits de l™homme abonde en ce sens. L™article 63-1 du Code de procédure pénale entérine un tel droit au silence en reconnaissant – dans le cadre particulier de la garde à vue – un « droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. ». ce second critère serait incomplète, pour ne pas dire fausse « par omission ». Telle est révélée, par exemple, l™inexactitude d™un dictionnaire commun, qui omet ce dessein de tromper dans vérité.», Petit Larousse illustré, 100e édition, 2005, p. 680, v° « Mensonge ».5 Le mensonge politique est ainsi entendu de celui perpétré par une personne qui assume une fonction politique, dans l™exercice de sa représentation publique.6 En guise d™illustration, une étude reste à entreprendre sur les procès en justice des hommes politiques menteurs et de leurs verdicts.
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Tribune libreLa sanction juridique du mensonge politiquePage 4 Œ Avril 2015 La sanction juridique du mensonge politiqueTribune libre Avril 2015 Œ Page 5leur œuvre (la tradition civiliste10) que le temps a contribué à ruiner.La question précitée Œ pourquoi punir le menteur 11 ? Œ ainsi posée en comparaison de la science juridique classique (droit romain) reçoit une réponse radicale : au nom de la Justice (héritage de la romanité juridique).La science juridique classique12Depuis la plus haute antiquité gréco-romaine la justice (lat. iustitia) à chacun ce qui lui revient juridiquement, de droit 13. Un « droit » (lat. ius 14 et qui, comme tel, gouverne une trilogie fondamentale de préceptes juridiques : vivre honnêtement, ne pas léser autrui, rendre à chacun ce qui, en justice, lui revient15.Lui-même hérité de la science philosophique grecque16, tel est le système juridique romain (préchrétien) certes ancien mais à l™origine, antique et juridique, du droit occidental17 le plus moderne qui soit. objet la conservation de l™ État contemporain (qu™ont précédées la civitas romaine) et, en son sein, la préservation de notre « paix sociale » Œ qu™advient-il du menteur ?Techniquement, le droit romain 18 distingue le mensonge en droit privé, perpétré par un citoyen et qui lèse un autre citoyen (c™est le mauvais dol, dolus malus19), du mensonge en droit public, perpétré par un citoyen mais qui offense la somme des citoyens, c™est-à-dire le peuple20 dans son entier (c™est le crime de faux, crimen falsi21). Il en va par conséquent de la responsabilité délictuelle (droit privé) ou de la responsabilité criminelle (droit public) des menteurs en droit romain, citoyens malhonnêtes, dont 10 En droit romain, la tradition (lat. traditio) est un mode de transfert de la propriété quiritaire d™une chose quelconque, mobilière ou immobilière. Ce transfert consiste dans la remise de la propriété tradens accipiens réel) il est une tradition remarquable : celle du Corpus Iuris civilis ou « tradition civiliste », qui désigne l™empereur Justinien comme le tradens de la somme par lui compilée du droit romain et nous, juristes contemporains (positivistes en puissance) comme ses accipientes.11 La question est de stricte responsabilité personnelle : il incombe à toute personne (quelque soit son statut, privé ou public) de répondre de ses propos, à plus forte raison quand ils sont mensongers. Dans l™absolu, qu™importe même l™objet du mensonge puisque c™est un sujet menteur qu™il faut condamner.12 Les fondements, les bases de la science juridique moderne sont anciens : ils sont romains, comme ceux de la science philosophique sont grecs. Aussi l™apport des jurisprudents romains ne doit-il pas être envisagé comme historique (et en cela daté, antique pour ne pas dire archaïque) mais technique. Le fonds principal du droit français actuel demeure un fonds latin, composé des compilations de Justinien (V Ie siècle). P. Legendre, L™autre Bible de l™Occident : le Monument romano- canonique. Étude sur l™architecture dogmatique des sociétés, Paris, 2009.13 « Iustitia est constans et perpetua voluntas ius suum cuique tribuendi », Justinien, Institutes, 1. 1. pr.14 « », Ulpien D. 1. 1. 1.15 « Iuris praecepta sunt haec : honeste vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere », Justinien, Institutes 1. 1. 3.16 « La philosophie grecque, qui non seulement servit d™étayage aux trois monothéismes pour se dans le souvenir du juridisme contemporain, sur laquelle s™est arcbouté le prodigieux Monument du droit romain pour se développer et perdurer comme empire de concepts. », P. Legendre, L™autre Bible–, p. 61.17 A. Schiavone, Ius. L™invention du droit en Occident , Paris, 2008.18 Loi Cornelia de falsariis , 81 av. J. C. (Sulla), sénatus-consultes Libonien, Messalien, Licinien respectivement de 16, 20, 27 ap. J.-Ch.19 Dizionario giuridico romano, F. del Giudice (dir.), Napoli, 2000, p. 161-162, v° « Dolus ».20 L. Hechetsweiler, « Populus. Eléments romains d™une restitution doctrinale de la catégorie juridique », Diritto@Storia, Rivista internazionale di Scienze Giuridiche e Tradizione Romana, n° 11, 2013.21 Dizionario giuridico, p. 134-135, v° « Crimen falsi ». comparé dans le temps Œ s™inscrit résolument dans celle de la science juridique classique7.Le droit comparé dans le tempsÀ l™instar du droit comparé dans l™espace (qui étudie comparativement deux droits de législations différentes, mais au même instant t8) le droit comparé dans le temps propose d™étudier comparativement deux modèles juridiques que séparent des frontières temporelles. Non sans dépaysement, l™histoire du droit offre un exposé des sources du droit en des temps révolus puisque passés. Fort de cette mémoire, l™exercice de droit comparé dans le temps consiste à confronter le droit des Anciens (droit du passé à t-1) au droit des Modernes que nous sommes (droit du présent à l™instant t). De cette confrontation surgissent des continuités (permanences) et des discontinuités (ruptures). d™une institution : quels modèles plus classiques en effet que ceux de la démocratie (athénienne) ou de la république (romaine) ? C™est sur ces deux systèmes antiques (VIe siècle avant notre ère) que sont fondés les États de nos sociétés occidentales actuelles. Démocratie et République (lat. res publica) dans ce cas ne sont pas vétustes : elles sont vénérables. Leur ancienneté même est le meilleur gage de leur pérennité.À l™autel du progrès. Si une institution a été et n™est plus, l™évolution période écoulée (entre t-1 et t) discrédite plus encore l™institution disparue : antique est alors le synonyme d™archaïque, le passé est alors désuet. Comme tel, le bon père de famille (lat. pater familias) a été récemment (20149) euthanasié avec enthousiasme.Le problème est que des pharisiens sont à l™œuvre, qui recueillent en théorie les traditions politiques grecques ou juridiques romaines mais qui renoncent en pratique à leurs contraintes techniques respectives. Le droit comparé dans le temps offre une alternative à cette hypocrisie, qui assume Œ Œ une restauration régénératrice : à charge pour nous, les jurisprudents vivants, non pas de renoncer à la succession des défunts, mais bien au contraire de l™accepter et surtout de restaurer 7 Le classicisme, en l™espèce, renvoie aux œuvres des jurisprudents de l™antiquité, compilées par l™empereur Justinien (ƒ565). À cet égard, Justinien et Tribonien sont à la science juridique classique ce que Napoléon et Portalis sont à la science juridique contemporaine. Cf. supra note 12.8 Exercice qui consisterait à comparer à celles du droit français les sanctions juridiques du mensonge en d™autres législations contemporaines étrangères (italienne, allemande, américaine etc.).9 Le 21 janvier 2014, l™Assemblée nationale a adopté un amendement supprimant cette expression du droit français et la remplaçant par le terme « raisonnable » ou « raisonnablement », selon le cas. Le caractère « désuet » du terme y était dénoncé, qui évoquait une tradition patriarcale. lors la suppression de l™expression juridique du Code civil des français. Comme tel – présupposé aujourd™hui menacés de disparition.
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Tribune libreLa sanction juridique du mensonge politiquePage 6 Œ Avril 2015 La sanction juridique du mensonge politiqueTribune libre Avril 2015 Œ Page 7une fonction immanente de vérité qui la caractérise : le verdict ne se conçoit pas autrement, étymologiquement 24, que dans cet acte du dit vrai, lat. vere dictum. fut-il médiatique), le droit demeure aujourd™hui l™instrument privilégié de cette justice. Et, parce que cet instrument existe – ou a existé, auquel le temps – nul n™est besoin à cet endroit de solliciter les législateurs : les En effet, avant que d™innover, il paraît opportun d™utiliser, voire de renouveler, ce qui est d™ores et déjà à notre disposition. Quels sont- ils ces instruments juridiques ? Quel est le droit en vigueur – ou à revigorer – utile et nécessaire pour agir en justice et sanctionner parmi les menteurs en général, ceux qui nous gouvernent en particulier ? Comment – en droit – rendre justice aux victimes des menteurs, a fortiori quand ceux-ci assument une fonction a priori républicaine ?À l™issue d™actions (privée et publique) en justice (civile et pénale) qu™il convient de préciser, la (les) victime(s) d™un menteur pourraient idéalement obtenir réparation du mensonge et punition du menteur. Cet idéal juridique exposé ( I), encore faut-il le confronter à la réalité politique et, le cas échéant, fourbir contre les injustices de celle-ci d™autres armes juridiques (II).24 Pierre angulaire de la philologie, l™étymologie est d™une importance cruciale. Elle n™est pas seulement un enjeu d™érudition : elle est une arme dans la lutte contre le mensonge. Le terme en effet « est formé de etumos “vrai”, qui, à partir de l™époque hellénistique, se trouve substantivé (to etumon ) au sens de “l™élément véritable, authentique d™un mot” et de – logia “étude, recherche” (-logie) ; la valeur initiale de etumologia est donc “la recherche du vrai sens d™un mot”. », Dictionnaire historique–, p. 797, v° « Etymologie ».le méfait (en l™espèce le mensonge) est préjudiciable soit à un individu particulier, soit au corps social dans son entier.Le mauvais dol constitue un vice de volonté (de la victime) quant à la conclusion d™une affaire juridique. C™est un comportement deceptor ou « décevant ») dans ses relations à l™égard d™un autre sujet (le deceptus ou « déçu ») avec lequel il est dans un rapport juridique, dans le but et la recherche de l™induire à une action préjudiciable de ses propres intérêts. Si le mensonge est reconnu tel, il est puni de la nullité de l™acte juridique, le créditeur (ou « créancier », de credit litt. il croit) ayant perdu sa croyance en son débiteur (de debit litt. il doit).Quant au faux, il est un crime dont la sanction est celle de la peine Aussi le faussaire coupable doit-il être solennellement mis à mort, par précipitation de la roche tarpéienne ou par interdiction de l™eau et du goût des contemporains, ils témoignent d™une sanction radicale du mensonge et d™une punition maximale du menteur. Point n™est besoin à cet endroit de retracer l™histoire de la sanction juridique constant : celui de la condamnation du mensonge et de la punition du menteur par le droit de toutes les époques successives (mais selon des modalités diverses et variées propre à chaque époque à un instant t, selon tant et plus de droits positifs successifs). Une condamnation du mensonge et une punition du menteur du vrai et du faux, du bien et du mal Œ demeure à quelque époque que ce soit (de façon intemporelle) et en quelque endroit que ce soit (de façon universelle) un méfait.Son auteur en est d™autant plus coupable et responsable qu™il l™a commis en toute liberté, sciemment (littéralement le mensonge – en ce qu™il repose sur le terme mens – est acte d™esprit, de raison). Gardons-nous du reste d™assimiler le mensonge au droit de l™homme à la liberté : c™en est un abus, de liberté tant que de droit. S™il y a bien un droit fondamental de l™homme en la matière, c™est celui Œ non proclamé le 26 août 1789 cependant Œ à la vérité22. et récurrents scandales de gouvernants 23 mensonges réclament justice. D™autant que l™action en justice revêt 22 Kant évoquait un « droit à la véracité » : « en réalité tout homme n™a pas seulement un droit à la véracité, mais il en a même le devoir le plus strict dans les déclarations qu™il ne peut éviter, même si cette véracité peut lui nuire ou nuire à un autre. Ce n™est donc pas proprement lui- même qui nuit à celui qui en subit les conséquences, mais c™est un accident qui est la cause de ce dommage. Car ici il n™est pas libre de choisir, parce que la véracité (s™il est obligé de parler) est un devoir absolu. », Emmanuel Kant, Sur un prétendu droit de mentir par humanité , V III, 425, in „uvres philosophiques, t. 3, Paris, 1986, p. 439. Cité par Luc-Thomas Somme, « La vérité du mensonge », Revue d™éthique et de théologie morale HS/ 2005 (n°236), p. 33-54.23 discréditer l™ensemble de la classe politique ( cf. l™abstentionnisme), à la plus grande satisfaction des populistes.
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La sanction juridique du mensonge politiqueTribune libre Avril 2015 Œ Page 9I. L™IDEAL JURIDIQUE : DES ACTIONS EN JUSTICEEu égard à la tradition civiliste qui est la nôtre (sans doute les modèles anglo-saxons offrent bien d™autres réponses à cette question mais toute greffe de leur expérience dans notre identité juridique s™expose à un risque de rejet) il convient de distinguer selon que le mensonge lèse des intérêts privés (une personne particulière en souffre le préjudice) ou publics (le peuple, plus encore que l™État en subit l™outrage) auxquels cas le menteur pourrait être passible d™une action en justice civile (A) ou pénale (B).1. L™action (privée) en justice civile : engager la responsabilité du menteurEn droit civil (litt. qui règle les rapports de droit entre citoyens) diverses possibilités d™un procès civil Œ qui confronterait l™auteur du mensonge (citoyen) et sa victime (concitoyen) Œ existent. lui faut répondre de ses mensonges commis et des préjudices qu™ils ont causé à la victime. Deux hypothèses en l™espèce Œ fondées sur le Code civil actuel Œ peuvent motiver l™action en justice : celle de la responsabilité contractuelle du menteur (fondée sur son dol) et celle de sa responsabilité délictuelle (fondée sur sa faute dommageable).1.1. La responsabilité contractuelle du menteur : la sanction du dolPour que sa responsabilité contractuelle 25 puisse être engagée, il faut que le menteur avéré soit dans un lien juridique contractuel avec la victime de son mensonge. En cette matière contractuelle, une partie lésée par un mensonge peut Œ au moyen du dol (terme rompre le lien contractuel qui la lie au menteur au motif du vice de consentement (art. 1116 c.civ.)26.En effet, les contrats consensuels (vente, louage, mandat, contrat de société) reposent Œ intuitu personae Œ sur un devoir d™honnêteté : telle est la force de la bonne foi qui, aujourd™hui encore, sous- tend tout le système juridique des obligations contractuelles. Son mensonge établissant sa malhonnêteté, une des parties peut ainsi être désavouée par l™autre et la nullité du contrat prononcée par le juge.En outre, le dol peut être invoqué dans la phase de l™exécution du contrat : s™il en est la cause de l™inexécution et que celle-ci est dommageable au créditeur. En cela il constitue un facteur d™aggravation de la responsabilité contractuelle du débiteur (art. 25 J. Betoulle, « ™aspect “délictuel” du dol dans la formation des contrats », Publications de la Cour de cassation, Rapport annuel 2001 (Études et documents).26 « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l™une des parties sont telles qu™il est évident que, sans ces manœuvres, l™autre partie n™aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. ».
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Tribune libreLa sanction juridique du mensonge politiquePage 10 Œ Avril 2015 La sanction juridique du mensonge politiqueTribune libre Avril 2015 Œ Page 1129 c. pén.) de blanchiment (art. 324-130 c. pén.) d™entrave à l™exercice à la justice : témoignage mensonger (art. 434-13 31 et 434-14 32 c. pén.) ; déposition, déclaration, attestation mensongères (art. 434-15 33 et 435-1234 c. pén.) ; dénonciation mensongère (art. 434-2635 c. pén.).de marchés Outre-Mer (art. 717-236 et 727-237 c. pén.).On le voit : la plus forte occurrence du terme « mensonger » s™accorde avec la justice, le législateur veillant à sanctionner toute entrave à son exercice. Si tant est qu™il soit traduit en justice devant une juridiction (pénale mais aussi civile), le menteur n™aura pas d™autre choix que celui de la conversion à la vérité et du reniement de son mensonge. Une fois l™instance ouverte, tout mensonge proféré dans le cadre de celle-ci constituerait une entrave à la quête judiciaire de la vérité, une « atteinte à l™action de la justice ». Quoi qu™il en soit, au vu de cette énumération, ce n™est pas tant un genre « mensonge » qui est condamnable (à l™instar du dol en droit 29 « Est puni de dix ans d™emprisonnement et de 750 000 euros d™amende le fait de faciliter, par l™une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 ou d™apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l™une de ces infractions. La peine d™amende peut être élevée jusqu™à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment. ».30 euros d™amende. ».31 de police judiciaire agissant en exécution d™une commission rogatoire est puni de cinq ans d™emprisonnement et de 75 000 euros d™amende. ».32 « Le témoignage mensonger est puni de sept ans d™emprisonnement et de 100 000 euros d™amende : 1. Lorsqu™il est provoqué par la remise d™un don ou d™une récompense quelconque ;2. Lorsque celui contre lequel ou en faveur duquel le témoignage mensonger a été commis est passible d™une peine criminelle. ».33 « Le fait d™user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s™abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation, est puni de trois ans d™emprisonnement et de 45 000 euros d™amende, même si la subornation n™est pas suivie d™effet. ».34 « Est puni de trois ans d™emprisonnement et de 45 000 euros d™amende le fait, par quiconque, à l™occasion d™une procédure ou en vue d™une demande ou défense en justice, dans un É déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s™abstenir de fournir une déposition, une déclaration ou une attestation, même si la subornation n™est pas suivie d™effet. ».35 « Le fait de dénoncer mensongèrement à l™autorité judiciaire ou administrative des faits constitutifs d™un crime ou d™un délit qui ont exposé les autorités judiciaires à d™inutiles recherches est puni de six mois d™emprisonnement et de 7 500 euros d™amende. ». Il est un autre type de dénonciation calomnieuse (atteinte à la personnalité) quand bien même stricto sensu la et dirigée contre une personne déterminée, d™un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l™on sait totalement ou partiellement inexact , à une autorité ayant le pouvoir d™y donner suite ou de saisir l™autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l™employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d™emprisonnement et de 45 000 euros d™amende. » (art. 226-10 c. pén.).36 « Le fait, en diffusant, par quelque moyen que ce soit, des informations mensongères ou calomnieuses, en jetant sur le marché des offres destinées à troubler les cours ou des sur-offres faites au prix demandé par les vendeurs, ou en utilisant tout autre moyen frauduleux, d™opérer ou de ou privés est puni de deux ans d™emprisonnement et de 30 000 euros d™amende. Lorsque la hausse d™emprisonnement et 45 000 euros d™amende. Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes : 1. L™interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l™article 131-26 ; 131-35. ». Il est remarquable que mensonge et calomnie soient ici confondus.37 Ibidem.1150 c. civ.)27.1.2. La responsabilité délictuelle du menteur : la réparation du dommageÀ défaut de pouvoir engager sa responsabilité contractuelle, le menteur avéré peut être poursuivi en justice par la victime de son mensonge en réparation des dommages occasionnés par ledit entre le menteur et sa victime, pour respecter le principe de non-cumul des deux espèces de responsabilité civile) le mensonge comme un méfait, un délit qui engage sa responsabilité, civile, délictuelle (art. 1382 c.civ.)28. toujours plus extensive en cette matière : aucune disposition de la loi n™interdit aux juges d™évaluer un dommage moral, fut-ce de manière symbolique. Symboliquement en effet, c™est la condamnation en justice du coupable qui importe à la victime autant si ce n™est plus que l™obtention de dommages et intérêts. En théorie, rendre justice prime encore et toujours sur la pratique du droit à la réparation.Sur la base de ses articles 1116, 1150 ou 1382, le Code civil des Français permet juridiquement une sanction civile du mensonge et la condamnation d™un citoyen menteur par l™un de ses concitoyens. À moins que ceux-ci, lésés dans leur multitude (la somme des citoyens, juridiquement, constitue le peuple) ne tiennent ce méfait pour un délit ou crime public. En ce sens, la loi aujourd™hui ne permet pas seulement aux victimes des menteurs d™obtenir réparation des dommages causés par le mensonge : elle leur permet d™intenter une action en punition du mensonge ; c™est le propre de l™action pénale que de se focaliser sur la punition du malfaiteur davantage que sur la réparation du méfait.2. L™ACTION (PUBLIQUE) E N J USTICE PE NALE : OBTENIR LA PUNITION DU MENTEURPour punir pénalement le mensonge, il faut nécessairement (en vertu du principe de légalité des délits et des peines) que celui- ci soit légalement établi comme une infraction (crime, délit ou contravention). Existe-t-il, en la dernière version du Code pénal, une infraction de mensonge ? Oui. À s™en tenir à la lettre, techniquement, pas moins de 9 articles matières : 27 « Le débiteur n™est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu™on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n™est point par son dol que l™obligation n™est point exécutée. ».28 « Tout fait quelconque de l™homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. ».
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Tribune libreLa sanction juridique du mensonge politiquePage 14 Œ Avril 2015 La sanction juridique du mensonge politiqueTribune libre Avril 2015 Œ Page 15chez les civilistes : il en est ainsi du dol.Étymologiquement, le dol et la douleur se confondent 45, qui appartiennent encore au même champ lexical des langues romanes. Juridiquement, le (mauvais 46) dol est « toute espèce de ruse, de tromperie, de machination employée pour surprendre, abuser ou tromper quelqu™un »47 postérité par le jurisprudent romain Labéon (ƒ 20 ap. J.-C.) est celle que reproduisent nos plus récents ouvrages de vocabulaire juridique 48.Présent en droit civil des obligations (en matière de responsabilité contractuelle) mais absent (légalement 49) en droit pénal contemporain50 de l™emprunter au Code civil et de le recevoir dans le Code pénal par la légalisation d™une infraction (pénale) de dol (distincte de l™abus de 51).Pour ce faire, il faudrait cesser de tenir le dol en droit pénal comme un élément moral. L™intention qui le caractérise (et le distingue ainsi de l™erreur) n™est pas – en soi – un enjeu de moralité (héritage de la patristique médiévale 52) mais de volonté qui seule détermine la responsabilité de l™individu et, le cas échéant, sa punition.Outre le droit pénal, il est une autre discipline juridique qui pourrait exploiter cette dimension contractuelle du dol : celle du droit mandataires 45 En latin vulgaire on disait dolus au lieu de dolor. Mais pour en déterminer le sens de ruse, dolos) serait arrivé à Rome par un intermédiaire sud-italique. A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine , Paris, 4e éd., 2001, p. 182.46 Les anciens distinguaient le mauvais dol du bon dol lequel désignait une prudence, une adresse surtout lorsque l™on imagine un moyen d™échapper à l™ennemi ou à un voleur : Non fuit autem contentus prateor dolum dicere, sed adjecit malum : « quoniam veteres dolum etiam bonum dicebant et pro solertia hoc nomen accipiebant : maxime si adversus hostem latronemve quis machinetur. » (D. 4. 3. 3. 1). Remarquons toutefois que dans cette distinctio doli (distinction qui consiste, pour les commerçants, à vanter exagérément leurs marchandises », G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, 8e éd., 2007, p. 326.47 « », Labeon, D. 4. 3. 1. 2.48 En latin dans le texte ! « Omnis calliditas, fallacia, machinatio ad decipiendum fallendum, circumveniendum, alterum adhibita ». G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, 8 e éd., 2007, p. 324.49 La doctrine contemporaine distingue en droit pénal le dol « éventuel », « général », « indéterminé » ou « spécial », G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, 8e éd., 2007, p. 325. Mais ces dogmatique de la science juridique.50 L™ancien droit français criminel Œ forgé sur les instruments des droits savants médiévaux : romain et canonique, riche legs dont l™ Université assurait alors la postérité Œ n™a pas renoncé au dol du dol », A. Laingui, A. Lebigre, Histoire du droit pénal, Paris, I, p. 27-29.51 Art. 313-1 c. pén. : « L™escroquerie est le fait, soit par l™usage d™un faux nom ou d™une fausse qualité, soit par l™abus d™une qualité vraie, soit par l™emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d™un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L™escroquerie est punie de cinq ans d™emprisonnement et de 375 000 euros d™amende ».52 Les criminalistes de l™Ancien Régime ont abandonné aux casuistes et aux théologiens tout le domaine du for interne et des origines lointaines de l™acte criminel. Avec Saint Thomas des spéculations plus approfondies sur les causes du péché et du délit ont pénétré le droit criminel, celui de l™Église, et par ce dernier, celui du siècle. M. Villey, « La responsabilité chez Saint Thomas », La responsabilité pénale. Travaux du colloque de philosophie pénale de Strasbourg , 1961, p. 117 et s.ce sont d™autres personnes tout aussi privées, particulières qui sont les victimes des mensonges de leur concitoyen.En ce qui concerne l™homme politique coupable de mensonge privilégié (litt. soumis à des lois particulières ou privilèges, privatae leges), exorbitant du droit commun et contraire à l™abolition des privilèges proclamée la nuit du 4 août 1789. Dans sa modernité, l™ État de droit est donc discriminant, qui distingue entre les représentants et les représentés. Si nul n™est censé ignorer la loi, nul ne peut non plus aujourd™hui échapper à la Constitution qui trône au sommet de la pyramide kelsénienne de la hiérarchie des normes françaises. Toute loi ordinaire (telles sont les dispositions des Codes, civil ou pénal) ses articles 26 et 67, la Constitution de 1958 consacre les immunités (irresponsabilité ou inviolabilité) des parlementaires et du président de la République. Or, trop souvent, de telles immunités se perçoivent Œ à juste titre44 Œ comme autant d™impunités.Techniquement, au vu du dispositif légal précédemment exposé (et sauf restriction constitutionnelle de l™immunité parlementaire ou présidentielle), un homme politique menteur pourrait être traduit en justice (civile : assignation à comparaître ou pénale : dépôt de plainte). L™action judiciaire est un premier moyen envisageable pour faire droit aux victimes. En outre, au vu de l™expérience passée, l™on pourrait concevoir la mise en œuvre de nouvelles modalités de sanctions juridiques, plus ou moins inédites. Pour ce faire, sur des bases juridiques, il faudrait envisager une action politique : de nature législative (loi) voire de nature constitutionnelle (référendum).2. Les solutions juridiques Si les actions en justice (civile ou pénale) devaient échouer, laissant de la sorte leurs auteurs impunis, au mépris de la vérité, il faudrait concevoir d™autres moyens juridiques qui poursuivraient la moyens techniques Œ issus de la tradition civiliste Œ sont envisageables en droit pénal : le dol, l™infamie, le parjure qui pourraient être rétablis comme des infractions pleines et entières. Certes ces trois moyens ne sont plus mais ils ont été, aussi peuvent-ils être de nouveau : là est Œ plus fondée en expérience que l™innovation Œ leur possible rénovation (que permet le droit comparé dans le temps).1.1. L™infraction de dolAujourd™hui accomplie, la distinction Œ accessoire Œ du droit civil et du droit pénal ne doit pas occulter l™antériorité et la primauté d™une science juridique principale : celle de la tradition civiliste. Dans leur œuvre d™émancipation, les pénalistes ont parfois renoncé à telle ou telle catégorique dogmatique élémentaire, demeurée en usage 44 distingue (de façon tout à fait schizophrène) en une seule et même personne la personne privée (qui engage sa responsabilité sienne) de la personne publique (qui engage non pas sa responsabilité propre mais celle d™autrui, qu™il représente, au motif même de cette représentation).
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