Généralement, la convention d’ouverture de crédit se greffe à une convention de compte courant. Page 5. L’avance. (1999) 30 R.D.U.S. et le découvert de banque.

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*.M. Fisc. Direction générale de la législation, ministère du Revenu du Québec. Les opinionsexprimées dans cet article n™engagent que l™auteur. L™auteur remercie Gaétan Lépine de laDirection générale de la législation pour la vérification des écritures comptables. Desremerciements particuliers vont à Pierre Gagné également de la Direction générale de lalégislation pour les précieux commentaires qu™il a formulés à l™égard de ce texte ainsi quepour les nombreuses heures passées à discuter des concepts qui y sont énoncés.COMMENTAIREL™AVANCE ET LE DÉCOUVERT DE BANQUEEN COMPTE COURANTpar Marc DUVAL*Le compte courant est une convention par laquelle deux parties enrelations d’affaires suivies conviennent d’affecter l’ensemble de leurs créancesà un compte unique et de renoncer à l’individualité de chaque créance pourne reconnaître que le solde du compte, constitué des articles de crédit et dedébit, exigible en tout temps. Puisque le compte courant enregistre lescréances des diverses opérations entre les parties au compte, il est doncimportant que nous soyons en mesure de déterminer le moment précis où unecréance entre en compte. L’avance et le découvert de banque nous permettrontd’illustrer nos propos. A current account is an agreement by which two parties in an ongoingbusiness relationship, agree to assign the whole of their debts to a singleaccount and to waive the individual nature of each debt and recognize onlythe balance of the account, made up of the debit and credit balances payableat all times. Since a current account records debts deriving from the varioustransactions between the two titularies of the account, it is therefore importantto be able to determine the precise moment a debt actually enters the account.This is indicated through records of bank advances and overdrafts.

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L™avance184et le découvert de banque(1999) 30 R.D.U.S.en compte courantSOMMAIREIntroduction185Distinctions et similitudes : l’avance et le découvert186La remise en compte courant.188L’avance en compte courant..193Le découvert en compte courant.198L’effet novatoire et les ouvertures de crédit au Québec.2001)Le découvert2002)La protection contre le découvert : l©avance de fonds..202Conclusion.204

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L™avance(1999) 30 R.D.U.S.et le découvert de banque185en compte courant1.Nous suggérons au lecteur de lire notre article précédent sur le compte courant avantd©entreprendre la lecture du présent texte s©il ne possède aucune connaissance concernant lecompte courant; voir M. Duval, «Le compte courant en droit commercial» (1997) 57 R. duB. 453.IntroductionLe compte courant est une convention par laquelle deux parties en rela-tions d©affaires suivies conviennent d©affecter l©ensemble de leurs créances à uncompte unique et de renoncer à l©individualité de chaque créance pour nereconnaître que le solde du compte, constitué des articles de crédit et de débit,exigible en tout temps. Deux caractéristiques ressortent particulièrement de laconvention de compte courant : l©absence d©imputation de paiements et l©effetnovatoire du compte.1 Toutefois, l©effet novatoire est probablement l©élémentessentiel de la convention de compte courant. Le compte courant enregistre les créances résultant des diverses opéra-tions effectuées entre les parties au compte. Il devient important d©établir lemoment où une créance entre en compte courant car elle subit l©effet novatoiredu compte et est remplacée par le solde du compte. En outre, par l©effet novatoiredu compte, les garanties afférentes à la créance entrée en compte sont éteintes.Ainsi, la créance en remboursement de fonds prêtés inscrite en compte fera nonseulement disparaître le prêt mais également les sûretés qui pourraient avoir étéconsenties à cet égard. Or, il n©est pas toujours facile de déterminer à quelmoment une créance entre en compte courant. L©avance et le découvert de banqueen compte courant nous permettront de saisir les aspects de l©inscription d©unecréance en compte courant. Nous distinguerons dans un premier temps l©avance du découvert, bienque les deux notions révèlent certaines similitudes. D©autre part, l©effet novatoireétant relié à la notion de remise en compte courant, cette notion sera analysée afinde nous permettre de qualifier l©opération à l©origine de la créance inscrite encompte courant. Par la suite, nous déterminerons à quel moment les créancesrelatives à l©avance et au découvert sont inscrites en compte courant. Enfin, nousexaminerons, dans le cadre de l©effet novatoire du compte courant, deux types declause que nous retrouvons dans des ouvertures de crédit utilisées au Québec et

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L™avance186et le découvert de banque(1999) 30 R.D.U.S.en compte courant2.Voir les arrêts Cayouette ltée c. Billet, [1962] B.R. 433. et Hamel c. Lauzon, [1978] C.A.348. Voir également Banque de Montréal c. Québec (P.G.), [1979] R.C.S. 565 où la CourSuprême du Canada réfère aux ouvrages de Rodière, de Rives-Lange, de Planiol, d©Aubryet Rau et de Mazeaud à des fins de discussion sur la nature juridique du contrat bancaire.D©autre part, nous référons le lecteur à un texte du professeur Pierre-Gabriel Jobin sur l©in-fluence de la doctrine française à l©égard du droit civil québécois. P.-G. Jobin, Droitquébécois et droit français, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1993 à la p. 91 et s.3.C. Gavalda et J. Stouflet, Droit bancaire, Paris, Litec, 1994 à la p. 219. François Grua y voitune promesse «sui generis» dont l©objet est le crédit à consentir; F. Grua, Contrats bancaires,t. 1, Paris, Economica, 1990, p. 219. Voir également J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, Droit bancaire, Paris, Dalloz, 1995 à la p. 445 et s.; A. Dieryck, Les ouverturesde crédit, Paris, Librairie Générale de Droit, 1945 à la p. 417. Il est pertinent de citer desauteurs français sur ce sujet puisque Pierre-Paul Côté s©exprimant sur l©ouverture de créditmentionne que « [l]e droit français, on doit l©avouer, a été plus fertile dans la recherche deson caractère juridique.» À cet égard, il cite différentes définitions d©auteurs français surl©ouverture de crédit et sur son caractère juridique et il souligne qu©«il ne s©agit pas nécessai-rement d©une promesse de prêt car le crédit peut être réalisé sous une autre forme que leprêt.» P.-P. Côté, «Considérations sur le prêt commercial et la convention de prêt » (1987)28 C. de D. 864.qui permettent au bénéficiaire de celles-ci d©aller en découvert ou d©obtenir uneprotection contre le découvert.Avant de débuter l©étude de notre sujet, il est important de noter que lelecteur pourrait s©interroger sur les motifs pour lesquels nous référerons presqueexclusivement à la doctrine française dans le cadre de notre exposé. Cecis©explique par l©absence de doctrine québécoise sur l©effet novatoire en comptecourant. Puisque la Cour d©appel du Québec a référé à la doctrine française pourdéfinir le compte courant, nous sommes également d©avis qu©il est pertinent d©yréférer.2Distinctions et similitudes : l’avance et le découvertLe client d©une institution financière peut obtenir des fonds notammentpar l©avance ou le découvert dans le cadre d©une ouverture de crédit. L©ouverturede crédit est «une promesse unilatérale du banquier de mettre sous certainesconditions de temps et de taux à la disposition de son client des moyens depaiement sous une ou plusieurs formes.»3 Elle constitue une promesse de crédit.Généralement, la convention d©ouverture de crédit se greffe à une convention decompte courant.

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L™avance(1999) 30 R.D.U.S.et le découvert de banque187en compte courant4.Rives-Lange et Contamine-Raynaud s©expriment comme suit à l©égard du prêt : «Les prêtsà court terme se présentent sous des modalités techniques très variées : avances, découverts,crédit de courrier, crédit de campagne, etc. Au point de vue juridique, ces différentes opéra-tions se ramènent à une notion unique, celle du prêt; il n©y a diversité juridique qu©en ce quiconcerne les sûretés consenties pour garantir le prêt.»J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, ibid. à la p. 460. Sur la notion d©avances defonds, voir également G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, 15e éd. par P.Delebecque et M. Germain, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1996 àla p. 347; C. Gavalda et J. Stoufflet, ibid. à la p. 215; J. Escarra, Cours de droit commercial,Paris, Sirey, 1952 à la p. 964; J. Hamel, G. Lagarde et A. Jauffret, Traité de droit com-mercial, t. 2, Paris, Librairie Dalloz, 1967 à la p. 816; Marcelon Inc. c. M.R.N., [1991]R.D.F.Q. 7.5.J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, ibid. à la p. 461. Voir également G. Ripert etR. Roblot, ibid. à la p. 464.6.J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud distinguent également ces deux notions : supranote 4.7.La notion d©avance telle que nous l©entendons est celle-ci : «les avances sur créances []; lesavances sur effets à encaisser; les avances sur marchandises; les avances sur recettes (films);les avances sur marchés; enfin les avances sur titres.» C. Gavalda et J. Stoufflet, supra note3 à la p. 215. D©autre part, les concepts développés dans ce texte à l©égard de l©avance encompte courant peuvent être utilisés lorsqu©un prêt est octroyé par la banque au client et quela remise des fonds a lieu par une inscription au crédit du compte courant.Précisons que l©avance de fonds constitue un contrat de prêt d©argent.4 Leprêt « peut se traduire en compte soit par une écriture au crédit soit par le fait quele banquier laisse le compte devenir débiteur.»5 Bien que dans le cadre dudécouvert bancaire, la banque avance des fonds, nous distinguerons l©avance dudécouvert.6 Lorsqu©une écriture au crédit est faite par la banque au compte duclient, nous qualifierons l©opération d©avance tandis que lorsque la banque laissele compte devenir débiteur, il s©agira d©un découvert.7 Nous sommes d©avis quecette distinction traduit bien la réalité de ces opérations, bien que tant ledécouvert que l©avance constituent un prêt d©argent. Toutefois, en compte courant, le découvert doit avoir été qualifié de prêtpar les parties au compte afin que l©opération à l©origine de la créance soit quali-fiée de prêt. À défaut d©une telle qualification, l©opération à l©origine de la créancequi résulte du transfert de numéraire ne peut être qualifiée de prêt comme nousle constaterons. Puisque lors d©une ouverture de crédit entre une banque et sonclient, le découvert est généralement qualifié de prêt, nous référerons à la notionde prêt, contrat nommé au Code civil du Québec, pour effectuer notre démonstra-tion tant à l©égard de l©avance que du découvert.

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L™avance188et le découvert de banque(1999) 30 R.D.U.S.en compte courant8.M. Duval, supra note 1 à la p. 466. 9.Ibid. à la p. 467. Voir notamment Encyclopédie juridique Dalloz : répertoire de droitcommercial, 2e ed., «compte courant» par J. Stoufflet, au no 70; J.-L. Rives-Lange et M.Contamine-Raynaud, supra note 3 à la p. 237; M.-T. Calais-Auloy, Jurisclasseur, Droitcommercial, compte-courant, paragraphe 53 et 76. 10.G. Ripert et R. Roblot, supra note 4 à la p. 417. Marie-Thérèse Rives-Lange mentionne que«toute créance peut constituer une remise à la seule condition qu©elle appartienne au cadrede la convention initiale.» M.-T. Rives-Lange, Le compte courant en droit français, Sirey,Paris, 1969 à la p. 90. Le caractère consensuel du compte explique, selon nous, la possibilitéqu™une créance non exigible puisse constituer une remise car le compte courant est lamanifestation de la volonté des parties de régler leurs créances dans le cadre du compte.11.François Grua mentionne que «l©ouverture de crédit a une force obligatoire limitée. Enprincipe, cette obligation de faire qu©elle engendre ne commande pas que le banquier défèreà tout appel de fonds du bénéficiaire, serait-ce dans la limite du montant prévu. Il conserveun certain pouvoir de sélection qui tient à deux raisons. [] Dans ces conditions, la libertédu banquier de ne pas contracter vient singulièrement limiter la force obligatoire de laAvant de commencer l©étude de l©avance en compte courant, nous nouspermettons de faire quelques commentaires sur la notion de remise en comptecourant.La remise en compte courantLe terme «remise» désigne la créance qui entre en compte.8 Nous avonsmentionné dans un article précédent qu©une créance qui entre en compte courantdoit être certaine, liquide et exigible conformément à la doctrine prépondérante.9Or, l©étude de l©avance en compte courant nous permet d©affirmer que le caractèred©exigibilité de la créance n©est pas une condition pour entrer en compte courant.D©ailleurs, nous constatons que certains auteurs mentionnent que la créance doitêtre certaine et liquide et n©ajoutent pas le caractère d©exigibilité.10 L©avance en compte courant provient généralement d©une ouverture decrédit. Lors d©une avance de fonds, l©inscription de la créance au compte courantpar une écriture au crédit matérialise la mise à la disposition des fonds au clientpar l©institution financière qui a consenti l©ouverture de crédit. Cette créance est-elle exigible? L©ouverture de crédit prévoit que l©institution financière doitconsentir le crédit mais certaines clauses de cette convention permettentgénéralement à cette dernière de se désister lors de l©avènement de certainesconditions, d©où le caractère douteux de l©exigibilité du crédit par le bénéficiaire.11

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L™avance190et le découvert de banque(1999) 30 R.D.U.S.en compte courant14.Les deux parties dans le cadre d©un prêt peuvent prévoir que la remise peut s©effectuer parune écriture au crédit du compte courant. Il s©agit de la tradition feinte : «La traditionnécessaire à la formation du contrat peut résulter du seul consentement des parties, sans qu©ilsoit nécessaire d©opérer effectivement une livraison matérielle. La tradition feinte – fictive -, connu sous le nom de tradition brevi manu, suffit pour opérer le prêt d©une somme d©argent(Cass. req. 29 mars 1887, DP 89.1.159, note 1-2). Elle peut se réaliser, par exemple, sousforme d©écritures comptables ou bancaires (M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droitcivil français, t. 11, 2e éd., Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1954, au no1141).» Encyclopédie juridique Dalloz : répertoire de droit civil, «Prêt» par J.-R. Mirbeau-Gauvin au no 257. Jean-Louis Rives-Lange mentionne que «[p]ar l©acte de prêt, la banque a souscrit l©obligationde mettre les fonds à la disposition de son client emprunteur». J.-L. Rives-Lange, supra note12 à la p. 853. Au même effet, voir Michel Cabrillac et Bernard Teyssié, infra note 21. Nouscomprenons que la tradition feinte équivaut à une mise à la disposition des fonds puisqu©ellese traduit en compte courant par l©inscription d©une créance en faveur du client.15.L©autre possibilité serait de conclure à l©autonomie du contrat de prêt par rapport à laconvention du compte courant. Celle-ci a été soutenue en France par la Cour de cassationdans une décision isolée et sévèrement critiquée par J.-L. Rives-Langes; voir J.-L. Rives-Langes, supra note 12; au même effet, voir M. Cabrillac et B. Teyssié, «Chroniques de laLégislation et de Jurisprudence française» (1987) 40 R.T.D. civ. et com. 851. Selon lathéorie énoncée par la Cour de cassation, les contractants au compte seraient d©accord pourdéroger aux conséquences (l©effet novatoire) de l©inscription du montant du prêt au comptecourant. Quant à la théorie du compte courant telle qu©exposée, elle permet de préserverl©autonomie des opérations à l©origine de la créance entrée en compte, ceci dans le cadred©une écriture au crédit par l©institution financière (le prêt subsiste) tandis qu©une écriture audébit par cette dernière dans le cadre d©un prêt viserait la créance en remboursement desfonds prêtés, d©où la disparition du prêt par l©effet novatoire du compte. Enfin, noussoulignons que la théorie du compte courant étant d©origine doctrinale et jurisprudentielle,il est légitime que ce concept évolue et qu©il s©adapte aux besoins commerciaux.compte du client par l©écriture au crédit.14 Cette construction du compte courantpermet d™en conserver l©autonomie et de préserver la nature de l©opération (ducontrat) qui est à l©origine de la créance entrée en compte lors d©une écriture aucrédit par l©institution financière.15La créance qui entre en compte courant résulte des diverses opérationsfaites entre les deux parties au compte. Dans l©étude du compte courant, cettenotion d©opération est moins importante puisque c©est la créance qui entre encompte courant et non l©opération à l©origine de cette créance. Toutefois, cettenotion d©opération permet de déterminer, lorsqu©une écriture au crédit du compteest effectuée par l©institution financière, quelle créance subit l©effet novatoire ducompte courant.

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L™avance(1999) 30 R.D.U.S.et le découvert de banque191en compte courant16.Vasseur et Marin définissent les termes «remettant» et « récepteur» comme suit : «Leremettant est celui qui apparaît comme créancier de la créance passée en compte; c©est enpratique celui qui remet à l©autre la chose ou la valeur dont le transfert fait naître la créance.Le récepteur est au contraire le débiteur de la créance; c©est celui qui reçoit du remettant lachose ou la valeur dont il doit la restitution ou le prix.» M. Vasseur et X. Marin, Les comptesen banque, t. 1, Sirey, Paris, 1966 à la p. 389.À titre d©exemple, supposons que monsieur A et la banque X sont encompte courant. Si monsieur A va faire un «dépôt» de 100 $ à son compte à labanque X, l©opération juridique qui naît du dépôt pourrait être un prêt (la créanceen remboursement des fonds prêtés est inscrite au compte), dans la mesure où cecontrat respecte les conditions énoncées au Code civil du Québec et où les partiesont consenti au prêt. Toutefois, rien n©interdît en compte courant que nous soyonsen présence d©un transfert de numéraire sans qu©une opération juridique soit àl©origine du dit transfert. Ainsi, lors d©un transfert de numéraire du remettant aurécepteur, le compte courant enregistre la créance résultant de ce transfert; du faitque le remettant transfère de l©argent au récepteur, une créance naît pourmatérialiser le transfert, que le solde du compte soit débiteur ou créditeur.16 Nousqualifions cette opération de matérielle lorsque l©opération à l©origine de lacréance perd tout caractère propre par opposition à une opération juridique tel unprêt. D©ailleurs, rien ne s©oppose à ce que le «dépôt» de 100 $ de monsieur A à labanque B soit plutôt une opération matérielle que juridique, c©est-à-dire que du

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L™avance192et le découvert de banque(1999) 30 R.D.U.S.en compte courant17.Les commentaires qui précèdent nous amènent au développement théorique suivant sur lanature du compte courant. Bien que la créance en remboursement des fonds prêtés, qui tireson origine du prêt entre les deux parties au compte (le remettant a remis de l©argent aurécepteur dans le cadre d©un prêt et de cette transmission résulte une créance enremboursement des fonds prêtés), soit inscrite immédiatement au compte après le transfertde numéraire, nous favorisons de façon générale dans le cadre d©un transfert de numérairela notion d©opération matérielle. Effectivement, dans le compte courant, les deux partiesenregistrent dans un compte les créances résultant des diverses opérations intervenues entreelles dans le cadre d©une relation de créancier-débiteur et non dans un cadre plus spécifiquede prêteur-emprunteur. En outre, cette notion est plus conforme aux effets juridiques ducompte. En effet «[c]haque élément du compte courant perd sa nature particulière, sonindividualité, pour devenir un simple article de débit ou de crédit et concourir à la formationdu solde qui constituera une créance ou une dette sui generis». H. Terrel et H. Lajeunesse,Traité des opérations commerciales de banque, Paris, Masson et Cie Éditeurs, 1921 à la p.42. D©autre part, la notion d©opération matérielle à l©origine de la créance entrée en compteest plus conforme au fonctionnement du compte courant puisque lorsque le solde du comptedu client est débiteur de la banque et que le client remet un montant d©argent à cette dernière,l©opération à l©origine de la remise au compte n©est pas un paiement. Sur cette question depaiement, voir M. Duval, supra note 1 à la p. 467. Voir également la note 18.18.Les italiques sont de l©auteur. J. Escarra, supra note 4 à la p. 940. A. Boistel faisait égalementla même observation en 1890 : «Au point de vue juridique, ces remises, s©il n©y avait pas decompte courant, pourraient se présenter dans deux conditions opposées : si elles sont faitespar une partie qui n©est pas déjà débitrice de l©autre, elles constitueraient une avance, un prêt;si elles émanent de celui qui est déjà d©ailleurs débiteur, elles seraient un paiement. Dans lecompte courant ces remises perdent tout caractère propre; qu©elles soient au fond des avancesou des paiements, elles figurent au même titre au compte ». A. Boistel, Cours de droitcommercial, 4e éd., Paris, Ernest Thorin, 1890, p. 613.Cette observation est reprise par Albert Dieryck (infra note 31). Quant à nous, noussuggérons que, dans le cadre de l©avance et du découvert, c©est l©opération à l©origine de lacréance qui perd tout caractère propre et que la créance perd également tout caractère propretransfert de numéraire, résulte une créance qui matérialise ce transfert.17 À cetégard, nous soumettons le passage suivant du professeur Jean Escarra :«Du fait de leur entrée en compte, les remises perdent leur caractère depaiements. En l©absence de compte, une remise constituerait, soit unpaiement fait par le remettant au récepteur, soit une avance si leremettant n©était pas débiteur du récepteur. La remise faite par lebanquier au profit du client pourrait avoir le caractère d©une avance;c©est ce qui se produirait dans le cas d©un compte de dépôt d©espèces.Faite en compte courant, la remise n©est plus une avance. Il restesimplement qu’une somme est entrée dans le compte, somme dont lerécepteur a acquis la propriété.»18

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L™avance(1999) 30 R.D.U.S.et le découvert de banque193en compte courantpuisqu©elle n©est que le corollaire d©une opération effectuée entre les parties au compte. Parailleurs, il est important de noter que les créances résultant d©opérations juridiques peuventêtre inscrites en compte. À cet égard, Ripert et Roblot mentionnent que « [l]a créance duremettant envers le récepteur peut tenir aux causes juridiques les plus variées : paiement d©unprix de vente, prêt d©argent, ouverture de crédit, intérêts de titres, etc. Cette cause de lacréance est sans importance dans la théorie du compte courant, sauf sur le point de savoirsi elle ne doit pas la faire exclure du compte. » G. Ripert et R. Roblot, supra note 4 à la p.417.19.Ripert et Roblot mentionnent qu© «[i]l y a beaucoup de confusion dans la doctrine entre lacapacité de faire une remise et les effets propres au compte courant. Cette confusion peut êtresurtout observé dans l©étude de l©ouverture de crédit en compte courant. Si le crédit ouvertest porté au compte du client et en est parfois le premier article, c©est que le banquier a pris,par un contrat d©ouverture de crédit, l©obligation de consentir un prêt.» G. Ripert et R.Roblot, supra note 4 à la p. 417.20.Qu©est-ce qu©une obligation? Le professeur Tancelin mentionne que «[l]e droit civil définittraditionnellement l©obligation comme un lien de droit entre deux personnes.» Les frèresMazeaud ajoutent que pour la personne qui doit effectuer une prestation, «[l]©obligation estun élément du passif de son patrimoine, une dette. Or, l©obligation présente nécessairementune face inverse. Pour la personne qui doit profiter de la prestation due, elle est un élémentde l’actif de son patrimoine, une créance.» M. Tancelin, Des obligations : «ctes etresponsabilités, Montréal, Wilson & Lafleur, 1997, p. 1; Henri, Léon et J. Mazeaud, LeçonsCette description de la remise qu©exprime le professeur Escarra nousapparaît incomplète. En effet, il y a lieu de noter que la remise ne représente laconséquence d©une opération matérielle (c©est-à-dire l©opération à l©origine de lacréance perd tout caractère propre dans le cadre d©un transfert de numéraire) quelorsque la créance inscrite au compte matérialise la dette résultant du transfert denuméraire du remettant au récepteur tel dans le cas du découvert, du «dépôt»d©espèces lorsque le remettant n©est pas débiteur du récepteur et du «paiement».Ainsi, il ne saurait être question que l©avance tel que nous l©avons distinguée dudécouvert soit une opération matérielle puisque les parties ont qualifié de prêtl©opération intervenue entre elles et plus particulièrement parce que le montantinscrit au crédit matérialise une dette de la banque à l©égard du client plutôt quela dette résultant du transfert de numéraire du remettant (la banque) au récepteur(le client).19 De ce qui précède, nous sommes d©avis que la remise ne peutrésulter que d©une opération matérielle ou d©une opération juridique.L’avance en compte courantRappelons que pour toute obligation existe une créance, créance qui peutêtre inscrite en compte courant si elle est certaine et liquide.20 Que se passe-t-il

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